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Renaud Capuçon, de l’archet à la baguette

Renaud Capuçon dirigeant l'Orchestre de Chambre de Lausanne - Photo Classictoulouse -

Grand virtuose de l’archet, Renaud Capuçon étend son action musicale et prend la baguette, prolongeant son activité de violoniste par celle de chef d’orchestre. Le 17 février dernier, il était à la Halle aux Grains, dans le cadre de la saison des Grands Interprètes, à la tête de l’Orchestre de Chambre de Lausanne dont il est devenu le directeur artistique à l’automne 2021.

Fondé en 1942 par Victor Desarzens, l’Orchestre de Chambre de Lausanne a été successivement dirigé par Armin Jordan (1973—1985), puis Lawrence Foster (1985-1990), Jesús López Cobos (1990-2000) et Christian Zacharias (2000-2013). Lors de cette première venue à Toulouse sous la direction de son nouveau chef, cette formation dite « de chambre » compte plus d’une quarantaine de musiciens. Elle peut donc aborder un large répertoire symphonique, notamment celui qui compose le programme de ce concert du 17 février.

Son implication de chef d’orchestre ne diminue en rien l’activité de violoniste soliste de Renaud Capuçon. En témoigne la présence, au cœur de cette soirée toulousaine de deux concertos pour violon et orchestre ! Ces deux partitions de l’époque classique sont précédées et suivies de deux suites de musique française du début du XXème siècle. Un beau programme offert avec passion et finesse !

La suite d’orchestre Pelléas et Mélisande, de Gabriel Fauré, créée en 1901, ouvre le concert. Remarquons que la pièce éponyme de Maurice Maeterlinck n’a pas inspiré que Claude Debussy pour son unique opéra. Des compositeurs comme Mel Bonis, William Wallace, et surtout Arnold Schönberg et Jean Sibelius ont écrit de belles partitions très différentes sur le même argument.

Renaud Capuçon et l’Orchestre de Chambre de Lausanne au salut – Photo Classictoulouse –

La suite que Fauré a tiré de sa propre musique de scène reste un chef-d’œuvre de poésie. La direction de Renaud Capuçon, à la fois nuancée et contrastée, en souligne aussi bien la nostalgie que le drame. Après la douceur mystérieuse du Prélude, la vibration inquiétante de Fileuse précède la mélancolie ou la tendresse des épisodes suivants, jusqu’au silence de La Mort de Mélisande. Saluons les beaux solos instrumentaux qui balisent cette suite, celui du violoncelle, du hautbois et surtout de la flûte tous exécutés avec musicalité.

Le premier des concertos pour violon et orchestre proposés ce soir-là constitue une rareté bienvenue. Il est signé d’un nom peu présent sur les affiches des concerts, celui du Chevalier de Saint-George. Compositeur, musicien mais également escrimeur redouté, cet homme de couleur pratiquement contemporain de Mozart fut l’un des plus célèbres personnages sous les règnes de Louis XV et Louis XVI. Son Concerto n° 9, en sol majeur, opus 8, joué et dirigé par Renaud Capuçon déploie une vitalité réjouissante. Saluons le parfait équilibre sonore entre l’orchestre et le violon soliste dont on admire aussi bien la profondeur et la richesse du timbre que l’invention déployée dans sa belle cadence du Largo.

Le Concerto n° 3 en sol majeur KV 216 de Mozart constitue quant à lui l’un des grands chefs-d’œuvre classiques du genre. Renaud Capuçon en exalte la vigueur souriante de l’Allegro tout en réservant la plus élégiaque des expression du sublime Adagio, dont le violon explore les nuances les plus raffinées. Si la joie dans mélange éclate dans le Rondo final, on admire encore ici l’imagination de l’interprète dans la conduite des différentes cadences, comme improvisées.

Renaud Capuçon, soliste des concertos de Saint-George et de Mozart – Photo Classictoulouse –

La soirée, tout au moins le programme prévu, se conclut sur la Suite de Maurice Ravel, Ma mère l’Oye, cinq pièces enfantines. Ce recueil distille une poésie qui emprunte sa substance aux récits évoqués. La torpeur somnolente de la Pavane de la belle au bois dormant, est suivie de la tendresse de l’épisode du Petit Poucet, de la vivacité légère aux accents orientaux de Laideronnette, impératrice des Pagodes ainsi que des alternances de douceur et de menace des Entretiens de la Belle et la Bête. Enfin, Le Jardin féérique et son irrésistible crescendo constitue l’apothéose pleine d’émotion que l’on attend avec ferveur. Chaque soliste instrumental contribue à la beauté de ce paysage, ce « Vert paradis des amours enfantines » célébré par Baudelaire.

Chaleureusement applaudis, l’orchestre et son chef offrent généreusement deux bis qui prolongent la poésie de ce programme : Chanson de Nuit, Op.15 no 1 d’Edward Elgar et la célèbre Valse triste de Jean Sibelius.

Signalons que le fidèle public des Grands Interprètes retrouvera Renaud Capuçon, mais cette fois comme soliste du Concerto pour violon et orchestre n°1 de Béla Bartók, en, compagnie du Budapest Festival Orchestra, dirigé par le grand chef hongrois Iván Fischer. Ce sera le mardi 4 avril prochain. Un rendez-vous à ne pas manquer.

Serge Chauzy

Programme du concert donné le 17 février 2023 à 20 h à la Halle aux Grains de Toulouse

  • G. Fauré : Pelléas et Mélisande, suite d’orchestre, opus 80
  • Saint-George : Concerto pour violon n° 9, en sol majeur, opus 8
  • W. A. Mozart : Concerto pour violon n°3, en sol majeur KV216
  • M. Ravel : Ma mère l’Oye, cinq pièces enfantines (suite)

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