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Pour la Cio-Cio San d’Ermonela Jaho

Il est inutile de programmer la Butterfly de Giacomo Puccini sans avoir auparavant retenu l’une des rares interprètes de ce rôle d’une incroyable exigence dramatique et vocale. En effet, tout l’opéra repose sur ses apparentes frêles épaules car, face à elle, Pinkerton n’apparaît, significativement certes, qu’au premier acte et disparaît totalement pour ne revenir que brièvement à la fin et chanter un air aussi court que peu exposé. Quant au Consul, il n’est rien de dire qu’il joue seulement les utilités dramatiques.

Ermonela Jaho (Cio-Cio San)

– Crédit photo Bruno Abadie –

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L’aujourd’hui tout récent ancien directeur des Chorégies, Raymond Duffaut, conscient du problème, s’était assuré la participation d’Ermonela Jaho pour le rôle-titre. Il ne pouvait mieux faire car la soprano albanaise est l’incontestable, et incontestée, titulaire de cet emploi sur les plus grandes scènes : Paris, Washington, Berlin, Londres, Barcelone, Madrid, etc.

En cette soirée momentanément mise en danger par une averse diluvienne peu de temps avant le début du spectacle, Ermonela Jaho incarne une Butterfly proche de l’idéal. Bien sûr le vaste vaisseau des Chorégies rend discrets le bas de son médium et son registre grave, mais quelle opulence, quelle rondeur dans le haut médium et un aigu d’une puissance incroyable. Musicienne accomplie, la cantatrice pare son chant de sublimes demi-teintes et d’un phrasé d’une belle largeur.

Tragédienne aussi, elle aura certainement serré la gorge du public dans sa grande scène du second acte et cet air qu’elle chante avec son petit garçon sur le dos, mimant ainsi la vie de mendicité qui l’attend si Pinkerton ne revient pas. Saisissant moment dramatique. Un vrai triomphe est venu saluer au rideau final cette interprétation. Bryan Hymel a eu moins de chance avec le public des Chorégies et il y a peu de probabilité qu’il soit tenté par une seconde expérience en ce lieu.

Ermonela Jaho (Cio-Cio San) et Bryan Hymel (Pinkerton)

– Crédit photo Philippe Gromelle –

En effet, autant à la première que ce soir, son Pinkerton a été salué de manière pour le moins houleuse. Et incompréhensible ! Certes le personnage n’est pas très reluisant, tout comme un grand nombre d’autres dans l’art lyrique (Scarpia, Valentin, Germont père, etc.), mais normalement c’est l’interprète qui est « sanctionné » et non le personnage. Certes encore, le ténor américain n’est pas un comédien né, mais tout de même, d’autres beaucoup moins probes lyriquement parlant, et je ne cite aucun nom…, ont connu de véritables triomphes in loco. Certes enfin, la voix de cet artiste ne convient peut-être pas tout à fait en termes de projection et de densité de timbre avec ce lieu si particulier et demeure ainsi un rien confidentielle. D’autres s’y sont cassés le nez, comme par exemple Placido Domingo en 1978 dans Samson et Dalila.

Malin, le chanteur espagnol n’est jamais plus revenu. Il refait aujourd’hui une apparition dans Traviata mais dans la tessiture de baryton… Alors ? Mystère. La suite de la distribution n’appelle pas de remarques particulières. Marc Barrard est un émouvant Consul, Marie-Nicole Lemieux compose une maternelle Suzuki, presque trop en voix (!) dans le trio du dernier acte et Carlo Bosi est un épatant Goro.

Vue générale du Théâtre antique lors d’une représentation.
Un lieu décidément magique

– Crédit photo Philippe Gromelle –

La production est conforme à ce que l’on attend d’une scène de répertoire, classique et agréable à regarder, japonisante à souhait avec lampions, ombrelles et kimonos à foison. La mise en scène, signée Nadine Duffaut, réserve quelques moments d’une grande intensité, autant dans la relation entre Butterfly et Suzuki que dans le portrait scénique du rôle-titre. L’Orchestre philharmonique de Radio France et les chœurs des Opéras d’Avignon, Nice et Toulon, étaient dirigés par Mikko Franck.

La programmation 2017, vu les récents changements dans le management de cette manifestation, n’est pas encore annoncée. Rendez-vous sur ce point normalement fin août.

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