Le poste de Délégué Général de l’Orchestre national du Capitole a été tenu avec professionnalisme et passion pendant plus de vingt ans par Thierry d’Argoubet. C’est Michel Plasson qui l’avait sollicité du temps de sa longue direction musicale de l’Orchestre. Thierry d’Argoubet a pris sa retraite le 3 février dernier et sa succession est enfin assurée à ce poste stratégique par Jean-Baptiste Fra qui a déjà exercé des fonctions similaires auprès d’autres orchestre français. Alors qu’il vient d’arriver à Toulouse, ce jeune passionné de musique a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions afin de permettre aux mélomanes toulousains de faire sa connaissance.
Classictoulouse : Soyez le bienvenu dans la Ville rose ! Pouvez-vous nous indiquer quel a été votre parcours avant d’être nommé à Toulouse ?
Jean-Baptiste Fra : Merci beaucoup.
J’ai une double formation. A la fois musicale et en gestion/administration de la musique.
Après 2 premières expériences en production au théâtre du Châtelet et à l’Opéra de Paris, j’ai travaillé 8 ans en tant que chargé de production pour L’Auditorium-Orchestre national de Lyon. J’ai à la fois pris la mesure de ce que représentait la gestion d’un orchestre au quotidien, mais aussi ce qui m’a plu, c’est la diversité de programmation que propose l’institution, avec l’accueil de grands orchestres internationaux, du Jazz, des Musiques du Monde, des ciné-concerts, etc. Et tout cela en étroite collaboration avec tous les acteurs culturels lyonnais.
Ensuite, j’ai voulu jouer un rôle un peu plus moteur au sein d’un nouveau projet et j’ai rejoint l’Orchestre national des Pays de la Loire où Pascal Rophé (ndlr : Directeur musical de l’Orchestre) cherchait quelqu’un pour travailler à ses côtés sur la programmation. Et je dois dire que je suis très fier du travail que nous avons accompli durant 5 ans (2017-2022). Nous avons réussi à attirer de grands artistes, le nombre d’abonnés a significativement augmenté (avant le COVID…) et nous avons été invité dans de grands festivals – ce qui nous était difficile car l’orchestre peinait à véhiculer une image d’excellence hors de la région des Pays de la Loire.
Quand le poste de délégué général de l’orchestre national du Capitole de Toulouse a été ouvert à la suite du départ à la retraite de Thierry d’Argoubet, j’ai présenté ma candidature, et après un long processus de recrutement, Claire Roserot de Melin (ndlr : Administratrice générale du Théâtre et de l’Orchestre) m’a appelé le 24 décembre pour m’annoncer mon recrutement… C’est le plus beau cadeau de Noël que j’ai jamais reçu et je vais tout faire pour m’en montrer digne.
CT : Quel est le rôle du délégué général d’un orchestre symphonique comme l’Orchestre national du Capitole ?
J-B F : Ce poste fonctionne en binôme avec le directeur musical de l’orchestre pour ce qui concerne la programmation des saisons. Je dois veiller à la qualité de la programmation, à son équilibre sur l’ensemble de la saison, et bien sûr à la valoriser auprès de notre public et de nos partenaires. L’ONCT est un orchestre de dimension internationale et son rayonnement est indispensable à la Métropole de Toulouse. Mon rôle est de préserver ce qui a été construit toutes ces années et de trouver de nouveaux axes de rayonnement pour l’ONCT.
Il y a aussi la partie managériale évidemment puisque je suis responsable de la bonne réalisation des concerts. Tant pour les musiciens que pour les équipes de régie et de production.
CT : Quelles sont à votre avis les caractéristiques de l’Orchestre national du Capitole ?
J-B F : Ce n’est pas une question facile ! Je ne suis pas là depuis très longtemps. Néanmoins, j’ai déjà mesuré à quel point cet orchestre a une personnalité singulière et forte. L’ambiance de travail est absolument formidable. Studieuse et décontractée. Les solistes brillent individuellement ici et là, mais gardent un sens du collectif inouï. Les cordes dégagent une puissance expressive qui n’a pas d’équivalent en France à mon avis. Et j’ai senti le désir de musique des musiciens, prêts à s’embraser pour peu que le chef les y invite au moment du concert.
CT : Comment abordez-vous votre fonction après vos premiers contacts avec l’Orchestre ?
J-B F : Avec beaucoup d’humilité. Et avec une saine pression. Celle qui nous pousse à nous dépasser pour obtenir le meilleur de nous. En fait, c’est la même pression que se mettent les musiciens dans leur quotidien et avant de monter sur scène.
Il faut dire que j’ai été très bien accueilli par tout le monde et que je suis entouré de professionnels de grande valeur qui me sécurisent. Je pense à Francis Grass (ndlr : Coordonnateur des politiques culturelles), Claire Roserot de Melin ou encore Christophe Ghristi (Directeur artistique du Théâtre national du Capitole), mais aussi à toutes les équipes.
CT : Comment imaginez-vous l’évolution du répertoire de l’Orchestre ?
J-B F : Ça, c’est une question pour le futur directeur ou la future directrice musicale ! Tugan Sokhiev a excellé notamment dans le répertoire russe ces dernières années, mais l’identité de l’orchestre est encore et toujours liée au répertoire français.
Toujours est-il que nous devons présenter toute la diversité des répertoires à notre public, et que j’aimerais aborder chaque répertoire avec des artistes qui en sont des spécialistes.
CT : Après le départ de Tugan Sokhiev, après sa démission, quel pourrait être pour vous le profil d’un nouveau directeur musical ?
J-B F : Il nous faut écrire une nouvelle page de l’histoire de l’orchestre. Ce ne sera pas simple tant les 2 dernières ont été marquantes ! Au-delà du profil, nous devons faire un choix convaincu et très largement partagé par les musiciens bien entendu, mais aussi par les élus et le Maire en particulier.
CT : Comment caractériseriez-vous la prochaine saison 2022-2023. Quels en sont les points essentiels ?
J-B F : 90 % de la saison a été programmée par Thierry d’Argoubet sous l’impulsion de Tugan Sokhiev mais je la fais mienne sans aucune réserve ! Je la trouve absolument magnifique. D’abord, je suis très heureux que Tugan ait accepté de maintenir ses semaines avec nous en 2022-2023. Je n’envisage pas l’avenir de l’orchestre sans une complicité bienveillante de sa part. Le public pourra retrouver des artistes bien connus et appréciés de l’orchestre comme Kazuki Yamada, Josep Pons, Josef Swensen, David Fray et bien d’autres ! Mais vous verrez aussi de nouvelles têtes, comme le tout jeune (21 ans !) Tarmo Peltokoski, Dima Slobodeniouk ou encore Aziz Shokhakimov. Au-delà de nos concerts d’abonnement « traditionnels », Jean-François Zygel nous fera le plaisir de 4 RDVs au cours de la saison, mais nous maintenons aussi toutes les formules que notre public connaît bien : les Happy Hour, les concerts en famille, et également La Ruée vers l’Or en ciné-concert en partenariat avec la Cinémathèque de Toulouse ! Une saison qui répondra je l’espère à toutes les attentes des Toulousains, qu’ils soient mélomanes ou simplement curieux de venir écouter leur formidable orchestre.
CT : Merci beaucoup pour vos réponses !