Entretiens | Opéra

 « Je suis un baryton-léger ascendant chef de chœur »

Succédant à Alfonso Caiani, et après une année « d’apprentissage » in situ, un nouveau chef de chœur fait définitivement son entrée à l’Opéra national du Capitole.  Le plus jeune assurément dans l’histoire de cette vénérable maison à occuper un tel poste. Rencontre.

Classictoulouse : Quel a été votre parcours avant d’intégrer l’Opéra national du Capitole ?

Gabriel Bourgoin : J’étais basé à Lyon où je travaillais régulièrement avec le Chœur de chambre Spirito et ponctuellement avec l’Orchestre national de Lyon. J’ai fait une partie de mes études au CNSM de cette ville où j’ai obtenu un master de direction de chœur. Puis j’ai intégré le CNSM de Paris où j’ai obtenu un autre master, en direction d’orchestre. Mais avant d’en arriver à ces études supérieures, j’ai débuté l’apprentissage de la musique par le solfège, le violon, le piano, l’analyse, l’écriture et…la voix. En fait j’ai commencé à m’intéresser au chant après avoir mué, une manière pour moi de mieux comprendre et apprivoiser cette nouvelle voix. Et du coup j’ai beaucoup chanté dans des chœurs. Finalement, tout cela m’a donné l’envie de poursuivre autant dans la direction du chœur que de l’orchestre.

CT : Qu’est-ce qui vous a fait choisir cette fonction de chef de chœur ?

GB : En fait j’ai pu faire, grâce à mes études, de nombreuses expériences dans les deux directions, chœur et orchestre et j’ai finalement privilégié le chœur. Tout en étant chef d’orchestre également.

 CT : Quel a été votre premier contact avec la musique ?

GB : Certainement avant ma naissance lorsque j’entendais, j’imagine, mon père jouer de la clarinette. C’est un professionnel de cet instrument.

Gabriel Bourgoin – photo Marion Froelicher – Chaix

 CT : Qu’attendez-vous plus particulièrement d’un chœur ?

GB : Trouver une homogénéité dans le respect des individualités. Chaque chanteur d’un chœur est un artiste à part entière. Je ne veux pas formater des voix mais les faire se rencontrer afin de créer une certaine homogénéité. Je suis très sensible à la notion de phrasé. Du phrasé musical découle la nuance, la prononciation, l’intensité de la projection vocale. Le phrasé est porté par les deux éléments fondateurs du chœur : la musique et le texte, les deux se complétant parfaitement.

 CT : Quelle est votre méthode de travail pour parvenir à vos attentes ?

GB : Après avoir réglé les problèmes d’apprentissage de l’œuvre, du rythme et du texte, j’invite ensuite les artistes du chœur à s’écouter d’abord à l’intérieur d’un même pupitre et ensuite les pupitres à s’écouter entre eux pour des questions d’harmonies. Je leur demande aussi d’être très attentifs lorsqu’ils ne chantent pas la même chose en même temps, à la manière dont leurs phrases respectives se rencontrent.

 CT : Auriez-vous souhaité aborder une carrière de chanteur ?

GB : Je me suis posé clairement la question. Beaucoup de personnes me disent que j’ai une belle voix. Mais par contre je ne me vois pas faire une carrière de soliste car j’ai trop le trac. Chanter en chœur, oui, j’adore, mais pas en solo. J’aime bien de ce côté-là me définir comme un baryton léger ascendant chef de chœur. Ce qu’il y a de magique dans une phalange chorale, c’est l’harmonie, la rencontre d’une multiplicité de voix.

 CT : Quelle a été votre réaction lorsque Christophe Ghristi vous a invité pour la première fois à diriger le Chœur du Capitole ?

GB : J’ai appris cela par un message que m’a laissé Christophe Ghristi sur mon téléphone. Je n’en croyais pas mes oreilles. C’était pour Wozzeck il y a un an. En fait cela s’est fait sur la recommandation d’un ancien chef de chœur du Capitole : Patrick Marie Aubert. Il m’avait croisé plusieurs fois pendant mes études. Il avait aussi participé comme jury dans les différents concours que j’ai passés. L’idée a été que je fasse la saison dernière avec la présence de Patrick Marie Aubert qui connaissait parfaitement le Chœur du Capitole. J’étais alors un tout jeune trentenaire et cette proposition était tout simplement un cadeau inimaginable. J’ai conscience d’avoir une chance inouïe.

 CT : Vous avez également en charge la Maîtrise du Capitole. On peut imaginer que la méthode de travail avec de jeunes chanteurs est différente…

GB : Je n’avais pas alors d’expérience régulière avec une maîtrise. Par contre j’ai mené plusieurs projets avec des enfants de tous âges et de toutes origines qui m’ont permis d’appréhender combien la musique est un vecteur social important. Et ce qu’il y a de formidable avec la Maîtrise du Capitole c’est qu’elle est populaire. Il ne s’agit pas ici de classes aménagées, il n’y a pas de concours d’entrée avec des épreuves techniques. L’audition pour entrer dans cette Maîtrise est une rencontre ave moi au cours de laquelle j’entends la voix, si le candidat a un petit peu d’oreille pour chanter juste, son sens du rythme. C’est tout. Le travail est donc très différent de celui avec le Chœur car ici les voix sont à construire. Je ne suis pas professeur de chant mais je peux leur apporter les bases vocales, en terme de respiration notamment, ainsi que les rudiments de la présence scénique. C’est un travail passionnant de les voir évoluer, tout timide sur leurs premiers pas puis, quelques mois après, enchanter le public sur scène.

 CT : Lors de cette saison qui débute, quel est votre plus gros challenge ?

GB : Assurément Mefistofele car la partie de chœur et de maîtrise est très dense. Le deuxième acte de La bohème est également très difficile à mettre en place autant pour le chœur que pour la maîtrise.

 CT : Selon vous quelle est l’œuvre lyrique la plus difficile pour un chœur ?

GB : Certainement des œuvres comme Boris Godounov et Peter Grimes. Mais je ne veux pas terminer cet entretien sans dire l’importance des personnes « de l’ombre » dans notre métier, entre autres à Toulouse les deux pianistes qui nous accompagnent en permanence : Elisabeth Matak-Meric et Edwige Geoffroy. Vous dire enfin que si j’ai le temps je fais un peu de sport mais que surtout j’aime chanter en chœur car pour moi il est très important de ne jamais oublier ce que c’est que d’être « dedans ».

Propos recueillis par Robert Pénavayre le 24 septembre 2022

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