Le samedi 23 juillet dernier, Michel Bouvard offrait à Bagnères-de-Luchon un très beau récital d’orgue consacré à un bouquet de pièces signées César Franck et destinées à l’instrument-roi. Ce concert venait célébrer le bicentenaire de la naissance de celui qui fut surnommé « Pater seraphicus ». La parution d’une intégrale discographique de l’œuvre pour orgue du compositeur était alors annoncée. L’album de deux CD vient enfin de paraître sous le label La dolce volta.
L’ensemble des partitions qui composent cette intégrale possède un lien étroit avec Aristide Cavaillé-Coll, ce génie de la facture d’orgue du XIXème siècle auquel on doit notamment l’instrument qui inspira l’essentiel de l’œuvre de César Franck, celui de la basilique Sainte-Clotilde à Paris. En outre, c’est sur le mythique grand orgue Cavaillé-Coll de la basilique Saint-Sernin de Toulouse dont il est le titulaire que Michel Bouvard a réalisé cet enregistrement. La boucle est bouclée !
Elève d’André Isoir au Conservatoire de Paris puis de Michel Chapuis, Francis Chapelet et Jean Boyer. Michel Bouvard a hérité de son grand-père, Jean Bouvard (organiste et compositeur), l’amour de la musique. Devenu professeur au Conservatoire à rayonnement régional de Toulouse, il a fondé et dirigé, avec Jan-Willem Jansen, le Festival international Toulouse les Orgues. Nommé en 1995 professeur d’orgue (en interprétation) au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris aux côtés d’Olivier Latry, Michel Bouvard est, depuis 1996, titulaire de l’orgue Aristide Cavaillé-Coll de la basilique Saint-Sernin de Toulouse, et depuis 2010 cotitulaire de l’orgue de la Chapelle du château de Versailles.
A propos de son œuvre pour orgue, César Franck affirmait : « Mon orgue c’est un orchestre ! » Et en effet, chaque pièce de ce programme musical possède une richesse harmonique et une invention mélodique très liées aux sonorités d’un orchestre symphonique.
Le Prélude, fugue et variations, composé entre 1860 et 1862 et dédié à Camille Saint-Saëns débute cette intégrale. Transparence et paisible balancement rythmique caractérisent ce beau triptyque comme ouvert sur des horizons lointains. La Prière qui suit est traversée de ferveur et d’inquiétude grâce au jeu intériorisé, recueilli de l’interprète. L’ascension irrésistible vers l’apothéose de Final résulte d’une science accomplie de l’architecture musicale.
Les deux Fantaisies réunies ici présentent des caractéristiques très différentes. A la poésie colorée de la première, en do majeur et datant de 1860, s’oppose l’éclat brillant de la seconde en la majeur. Composée en 1878 cette dernière fait partie des Trois pièces pour grand orgue associée au chant lyrique et subtil de Cantabile et à l’élan dramatique de la prodigieuse Pièce héroïque, stupéfiant écho aux plus tragiques lieder de Schubert.
Les Trois Chorals pour grand orgue qui ouvrent le deuxième CD de cet album constituent la dernière œuvre achevée de Franck. Daté de 1890 ce triptyque met en évidence une écriture particulièrement riche et variée. Le Choral n° 1 en mi majeur (Moderato) évolue de la douceur et de la ferveur vers une apothéose lumineuse. Le Choral n° 2 en si mineur (Maestoso), au caractère funèbre évoluant vers une sorte d’idéal expressif, précède les sonorités somptueuses du Choral n° 3 en la mineur (Quasi allegro) joué ici avec un éclat spectaculaire. Le charme d’une registration imaginative imprègne toute la Pastorale en mi majeur (Andantino) écrite en 1863.
Cette rétrospective s’achève sur la partition la plus développée, la Grande Pièce symphonique en fa dièse mineur (Andantino serioso) datée de 1860/62. Plus que jamais, l’orgue se fait orchestre. Convoquant les nuances les plus extrêmes de son instrument, l’interprète joue là sur une impressionnante variété de jeux.
César Franck – L’œuvre pour orgue
Coffret 2 CDs
La Dolce Volta
LDV 113.4