Concerts

César Franck célébré en majesté

L'orgue Cavaillé-Coll de l'église Notre-Dame de l'Assomption de Bagnères-de-Luchon

La charmante église Notre-Dame de l’Assomption de Bagnères-de-Luchon accueillait, ce samedi 23 juillet, une célébration d’envergure. Michel Bouvard, grand organiste et pédagogue très recherché sur la scène internationale, présentait un récital d’orgue consacré à César Franck dont on célèbre cette année le bicentenaire de la naissance.

A la tribune de cette église trône un instrument de grande valeur historique et musicale, un orgue imaginé et construit par l’incontournable Aristide Cavaillé-Coll, ce génie de la facture d’orgue du XIXème siècle qui édifia notamment le grand orgue de la basilique Saint-Sernin de Toulouse. Or Michel Bouvard est précisément le titulaire de cet instrument toulousain devenu mythique. En outre, l’orgue qui inspira l’essentiel de l’œuvre de César Franck est celui de la basilique Sainte-Clotilde à Paris, construit par… Cavaillé-Coll. La boucle est bouclée ! Néanmoins, l’interprète se retrouve-t-il donc en terre connue à la tribune de l’orgue de Notre-Dame de l’Assomption ? Oui et non d’après Michel Bouvard lui-même. Si la philosophie générale de l’instrument présente les caractères techniques généraux de l’entreprise Cavaillé-Coll, chaque orgue possède ses propres spécificités. Et il est souvent nécessaire d’adapter chaque partition à l’outil utilisé pour lui rendre justice.

L’orgue Cavaillé-Coll et l’écran de visualisation – Photo Classictoulouse –

Au cours de ce concert du 23 juillet, Michel Bouvard commente les liens étroits qui unissent César Franck et Aristide Cavaillé-Coll. Il présente surtout, avec toute la pédagogie que lui confère son expérience de professeur, chaque pièce qui compose son programme et les clés d’écoute qui permettent d’en apprécier la beauté et la grandeur. En outre, son intervention est judicieusement captée et projetée en temps réel sur un écran suspendu face au public, ce qui permet de suivre avec attention l’incroyable travail que représente une telle performance. Un travail d’équipe auquel participe d’ailleurs l’épouse de Michel Bouvard, Yasuko Uyama-Bouvard, elle-même excellente organiste et claveciniste, chargée ici de tirer les jeux.

L’œuvre pour orgue de César Franck lui fait affirmer : « Mon orgue c’est un orchestre ! » Et chaque pièce de celui qui fut surnommé « Pater seraphicus » possède une richesse harmonique et une invention mélodique très liées aux sonorités d’un orchestre symphonique. Parmi les partitions de César Franck destinées à l’orgue, Michel Bouvard compose le programme de son récital de manière chronologique, abordant successivement trois périodes importantes de son œuvre.

L’une des plus célèbres pièces pour orgue ouvre la soirée. Le Prélude, fugue et variations, écrite entre 1860 et 1862 et dédié à Camille Saint-Saëns, offre une vision paisible sur des horizons lointains. Le beau legato du jeu de Michel Bouvard en souligne la finesse du séduisant balancement. L’enchaînement des étapes qui la composent mêle harmonieusement évolution et continuité.

Yasuko Uyama-Bouvard et Michel Bouvard – Photo Classictoulouse –

Les trois pièces de 1878 furent composées pour l’inauguration, lors de la troisième Exposition Universelle à Paris, de l’orgue du Palais du Trocadéro. La première, intitulée Fantaisie en la majeur, s’écoute comme une évocation théâtrale. Le très beau Cantabile qui suit témoigne du talent de Franck pour le chant. Enfin la prodigieuse Pièce héroïque est légitimement offerte par l’interprète avec l’élan dramatique d’un lied de Schubert. Comment ne pas évoquer là un lien avec le chevauchée de Der Erlkönig (Le Roi des Aulnes) ou l’angoisse de Gretchen am Spinnrade (Marguerite au rouet) ?

La dernière partition abordée ce soir-là, le Premier Choral en mi majeur, fait partie du triptyque des trois chorals composés en fin de vie par César Franck. On retrouve là l’art accompli de l’architecte. L’ascension tracée par l’écriture, de la douceur initiale vers l’apothéose finale, autant que la ferveur de l’interprétation impressionnent légitimement le public enthousiaste.

Michel Bouvard revient donc à la tribune et offre un bis en quelque sorte « familial ». Il indique qu’il doit sa vocation pour l’orgue à son grand-père, Jean Bouvard, qui fut l’élève de Louis Vierne. Et c’est avec un Noël composé par son cher grand-père que l’organiste conclut cette belle soirée organisée par la très active Association Les Voix de l’Orgue Cavaillé-Coll de Luchon. Un nouveau concert de cette association aura lieu le 27 août dans cette même église. L’ensemble de cuivres anciens de Toulouse, Les Sacqueboutiers, en sera l’invité. A nos agendas !

NB : Un enregistrement discographique de l’œuvre pour orgue de César Franck, jouée par Michel Bouvard au grand orgue Cavaillé-Coll de la basilique Saint-Sernin de Toulouse est en préparation. L’album de deux CD sortira au début du mois de septembre 2022. A surveiller bien évidemment !

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