Concerts

Les grands madrigaux de Monteverdi transcendés par Les Sacqueboutiers

Les musiciens et les chanteurs. Au premier plan, de gauche à droite : Andreea Soare, Victor Sordo et Furio Zanasi - Photo Classictoulouse -

Le dimanche 24 mai dernier, le Théâtre du Capitole accueillait l’ensemble toulousain de cuivres anciens, fidèle compagnon de route de cette institution. Comme interprètes privilégiés des musiques de la Renaissance, Les Sacqueboutiers excellent tout particulièrement dans l’interprétation des partitions du grand Claudio Monteverdi. Leur exécution de quelques-uns des plus exigeants madrigaux du maître de Crémone a recueilli, lors de ce concert, les applaudissements enthousiastes d’une audience conquise.

Avec ce programme essentiellement consacré à Claudio Monteverdi, les Sacqueboutiers retrouvent donc le génie absolu de la Renaissance italienne qui a porté la musique dramatique, à peine créée, à son apogée. Extraits du somptueux Livres VII des madrigaux, le monologue intensément théâtral de la fameuse Lettera amorosa, le ballet pastoral Tirsi et Clori, côtoient des partitions des Scherzi musicali et de la Selva morale ainsi que le bouleversant Combattimento di Tancredi e Clorinda, du Livre VIII des Madrigali guerrieri e amorosi.

Les trois chanteurs solistes qui participent à ce concert manifestent les qualités les plus adaptées à ce répertoire si spécifique. Il s’agit de la soprano d’origine roumaine Andreea Soare, du ténor espagnol Victor Sordo, et du baryton italien Furio Zanasi. Ils sont entourés des musiciens des Sacqueboutiers rompus à l’exercice. Sous la direction de Daniel Lassalle, sacqueboute, il s’agit d’Hélène Médous, violon, Lluis Coll, cornet à bouquin, Laurent Le Chenadec, doulciane, Yasuko Bouvard, orgue, Matthias Spaeter, théorbe et Mathurin Matharel, violoncelle.

Les musiciens - Photo Classictoulouse -
Les musiciens de l’ensemble toulousain Les Sacqueboutiers – Photo Classictoulouse –

Cet après-midi musical s’ouvre sur l’une des scènes emblématiques de l’opéra L’Orfeo, la scène du prologue, La Musica. Soutenue par l’ensemble instrumental raffiné et néanmoins dynamique, Andreea Soare y projette un timbre puissant et riche, capable des nuances les plus contrastées. Dans l’air Zefiro torna, extrait des Scherzi musicali, le ténor Victor Sordo rivalise de virtuosité avec la sacqueboute de Daniel Lassalle.

Dans La lettera amorosa : « Se i languidi miei sguardi », Andreea Soare exprime avec finesse la sensibilité de l’écriture. Elle en souligne l’émotion portée par le texte comme par la musique grâce à un sens aigu des nuances. A la suite du Confitebor de la Selva morale, déclamée avec conviction par Victor Sordo, les trois chanteurs se retrouvent harmonieusement dans le « ballo madrigalesco » Tirsi e Clori qui évoque avec tendresse le monde pastoral.

Un intermède instrumental donne la parole au compositeur vénitien Dario Castello (1602-1631). La Sonata decima sesta sopra la battaglia développe un langage virtuose parfaitement assumé par les musiciens. Violon et cornet à bouquin rivalisent d’habileté musicale.

Les interprètes du Combattiment di Tancredi e Clorinda – Photo Classictoulouse –

Le dernier madrigal du concert constitue une véritable apothéose. Il combattimento de Trancredi e Clorinda, madrigal « guerrier », est inspiré du poème épique La Jérusalem délivrée publié en 1581 par Le Tasse. Ce conflit entre chrétiens et musulmans a conduit Monteverdi à écrire cet opéra miniature sur le stile concitato (style agité) d’une efficacité dramatique incomparable. Trois personnages animent ce récit : les deux protagonistes de la pièce, le chevalier chrétien Tancrède et la guerrière sarrasine Clorinde, ainsi que le récitant incarné par Le Tasse lui-même. C’est à ce dernier qu’est destiné l’essentiel de la partition. Le baryton Furio Zanasi, qui occupe ainsi le centre de la scène, tient ce rôle essentiel avec une présence et une perfection vocale et expressive exceptionnelle. Chantant sans partition, il incarne véritablement le personnage, prend le public à témoin, s’émeut de la tragédie qui se déroule sous nos yeux. Tancrède affronte et tue sans la reconnaître la guerrière sarrasine Clorinde qu’il aime profondément. Victor Sordo et Andreea Soare s’affrontent avec véhémence jusqu’au dénouement tragique. L’instrumentation renforce encore l’émotion qui serre les gorges. Il faut en outre remercier l’organisation du théâtre qui a mis en œuvre, tout au long du concert, le sur-titrage des textes, dont la compréhension s’avère indispensable en particulier dans le déroulement de ce bouleversant Combattimento.

L’ensemble des interprètes au salut final – Photo Classictoulouse –

Une ovation enthousiaste du nombreux public salue la performance. Les musiciens et les chanteurs offrent alors un bis qui prolonge l’atmosphère raffinée de cette rencontre. Il s’agit de la reprise du « baletto » de Tirsi e Clori de Monteverdi, décidemment à la fête tout au long de cet après-midi !

Serge Chauzy

Programme détaillé du concert

  • Claudio Monteverdi (1567-1643)

La Musica (Prologue de l’Orfeo, Venise, 1607)

Zefiro Torna (Scherzi musicali, Venise 1632)

La lettera amorosa : « Se i languidi miei sguardi » (Il settimo libro di madrigali, Venise, 1619)

Confitebor (Selva morale, Venise, 1650)

Tirsi e Clori (Il settimo libro di madrigali, Venise, 1619)

  • Dario Castello (1602-1631)

Sonata decima sesta, sopra la battaglia (Libro secondo delle sonate concertate, Venise, 1644)

  • Claudio Monteverdi

Il combattimento di Tancredi e Clorinda (Ottavo libro di madrigali guerrieri e amorosi, Venise, 1638)

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