Le concert du 18 novembre dernier marquait le retour des Clefs de Saint-Pierre à l’auditorium qui leur a donné son nom. Cinq membres de l’Orchestre national du Capitole ont démontré une fois encore l’intérêt et la légitimité du passage de la fonction de musiciens d’orchestre à celle d’interprètes de musique de chambre.
Ce soir-là, les musiciens qui se lancent dans cette belle aventure sont Victor Guémy, clarinette, Jaewon Kim et Haruka Katayama, violons, Bruno Dubarry, alto et Aurore Dassesse, violoncelle. Ils ont choisi de faire dialoguer la tendance romantique naissante chez Mozart et son expression assumée dans le dernier Brahms.
Comme il est indiqué avec justesse dans le programme de salle, le 15ème quatuor de Mozart KV 421 en ré mineur présente une « … magnifique ambivalence… aux formes classiques mais à l’esprit romantique. » Ce deuxième de ses six quatuors dédiés à Haydn est le seul de la série à adopter une tonalité mineure. Et cela se ressent dès les premières mesures de l’Allegro moderato, presque tragiques en filigrane. Néanmoins, les interprètes en soulignent l’élégance des phrasés et le raffinement de l’expression. Après le semblant de sérénité de l’Andante, c’est au dramatique Minuetto de surprendre. Quant à l’Allegretto ma non troppo final, il se pare d’accents schubertiens !
Le clarinettiste Victor Guémy rejoint ensuite ses collègues pour interpréter le sublime Quintette pour clarinette et cordes op. 115 en si mineur de Johannes Brahms. Le musicien commente d’abord l’exceptionnelle qualité de cette partition, avant de se plonger dans ces échanges ineffables entre le souffle de l’instrument à vent et les commentaires des cordes. Saluons l’art du chant que déploie Victor Guémy dans sa partie soliste qu’il intègre parfaitement au discours d’ensemble. Un sens raffiné des phrasés, une dynamique subtilement adaptée à la progression sonore caractérisent son jeu.
Les élans passionnés de l’Allegro sont suivis d’un Adagio superlatif, d’abord lumineux et apaisé, véritable « chant d’amour » aux yeux de certains, puis agité d’inquiétudes et de ce caractère tzigane cher au compositeur. Après l’animation du bref Andantino, comme une respiration avant le final, le Con moto retrouve le ton de la discussion tendre ou des échanges menés sous la forme d’un thème suivi de cinq variations dans le style d’un rondo. La coda, d’une grande plénitude, résonne comme un adieu à ce vaste et émouvant Quintette auquel les interprètes confèrent un caractère de Notturno.
L’émotion profonde qui émane de cette belle exécution déclenche une ovation chaleureuse de la part du public qui obtient un bis étonnant et réjouissant. Il s’agit d’un « nigoun », se référant aux chants religieux klezmer. Cette pièce d’origine sacrée soumet la clarinette à une série de traits virtuoses, d’impressionnantes performances instrumentales que Victor Guémy réalise avec une facilité déconcertante ! L’habileté conjointe des cordes ajoute encore à l’exploit. Un vrai moment de bonheur !
Serge Chauzy