Ambiance new yorkaise pour ce quatrième programme du Ballet du Capitole qui réunissait les grands noms de la chorégraphie américaine. De Balanchine, le plus russe des américains à Millepied le bordelais du New York City Ballet et de Jerome Robbins, l’américain d’ascendance russe émule de Balanchine à Twila Tharp la très américaine, c’est un large panorama de la danse du Nouveau Monde que nous présentait Nanette Glushak.

Paganini : Paola Pagano – Alexander Akulov (Photo David Herrero)

C’est Benjamin Millepied qui ouvrait le bal avec son étourdissant Paganini !, qui est entré au répertoire de la Compagnie en avril 2007 et que le chorégraphe lui-même était venu superviser. Pour cette saison c’est à l’un de ses maîtres, Michel Rahn qu’il a demandé de remonter son œuvre. Sur les Caprices du violoniste génois, truffés de difficultés techniques extrêmes, Benjamin Millepied a composé une chorégraphie véritablement diabolique où aux difficultés de la musique répond la virtuosité du ballet. A partir d’un vocabulaire somme toute très classique, cette chorégraphie extrêmement technique demande aux danseurs un engagement, une implication totale. Bien sûr on peut parfois retrouver quelques échos de Balanchine ou de Robbins, mais il n’en reste pas moins que Benjamin Millepied nous propose ici une œuvre très personnelle, qui fait passer quelques frissons dans le dos des spectateurs tant certains mouvements sont audacieux, sans pour autant perdre lyrisme et fluidité. Quels danseurs ne pas citer ici ? Tous, dans leur registre, sont excellents : les sauts des garçons [Davit Galstyan égal à lui-même, Hugo Mbeng quels progrès !, Demian Vargas superbe !, et tous les autres…], la musicalité des filles de Paola Pagano à Nuria Arteaga, de Juliana Bastos à Marina Lafargue, et l’incroyable confiance de María Gutiérrez qui vole au-dessus de ses partenaires avant de se poser avec cette légèreté dont elle a le secret. Un régal !

Moves : Tatyana Ten – Demian

Vargas (Photo David Herrero)

Moves de Jerome Robbins fut certainement la plus étonnante des chorégraphies qu’il nous fut donné de voir pour ce programme. L’entrée au répertoire de ce ballet sans musique, sans décor, sans costume est un évènement.

L’attention du spectateur n’est fixée que sur la gestuelle, les mouvements et son imagination est livrée à elle-même, chacun peut ainsi inventer l’histoire qu’il veut ou simplement se laisser porter par la beauté du geste. Certes, quelques claquements de talon, quelques chocs de pointes ou battements de mains peuvent ponctuer le silence et donner, parfois, une certaine notion de rythme. Mais il n’en reste pas moins que les danseurs accomplissent ici une vraie performance. Tout est en rythme, la synchronisation est parfaite, les mouvements s’enchaînent avec une fluidité exceptionnelle.

Le public dans son ensemble retenait son souffle, essayant peut-être de retrouver quelle formule mathématique pouvait se murmurer les danseurs pour dérouler si parfaitement cette chorégraphie. L’idée peut être déroutante au départ car il nous faut mettre nos propres repères sur ce ballet, mais très vite on se laisse emporter par la virtuosité des danseurs. Les 6 filles et les 6 garçons ont réalisé une réelle performance.

Nous retrouvions Balanchine, la musique John Philip Sousa et les flonflons des défilés du 4 juillet américain, avec Stars and Stripes. Nanette Glushak nous proposait un pas de deux interprété en alternance par Maria Gutiérrez et Kasbek Akhmedyarov, puis par Magali Guerry et Davit Galstyan. Balanchiniens éprouvés tous les quatre, ils sont très à l’aise sur cette chorégraphie. María Gutiérrez et Magali Guerry rivalisent de légèreté et de technique, et si Kasbek Akhmedyarov n’a pas encore toute la gouaille et le pétillant qui fait le charme de Davit Gasltyan dans ce ballet, il sait donner du caractère à son personnage.

Stars and stripes : Magali Guerry – Davit Galstyan (Photo David Herrero)

C’est à Twyla Tharp, la chorégraphe de Hair, qu’il appartenait de clore ce programme avec Nine Sinatra Songs, un ballet sur des chansons du crooner qui a fait rêver nombre de générations. Une chorégraphie parfois un peu… acrobatique, nous donne la vision personnelle de Twyla Tharp sur les danses de salons des années 50. De Strangers in the night à My way, de Somethin’ Stupid à That’s Life, les danseurs nous entraînent tour à tour dans des atmosphères romantiques ou au contraire un peu « mafieuses ». Les superbes robes d’Oscar de la Renta qui habillent-déshabillent les danseuses participent également à la magie de ce ballet.

Nine Sinatra songs : Maria Gutiérrez

– Kasbek Akmedyarov

(Photo David Herrero)
O
Il faudrait citer ici tous les couples qui évoluent sur cette musique : l’intemporelle Juliana Bastos élégante liane auprès du non moins élégant Dimitry Leshchinskiy ; la rougissante Pascale Saurel fuyant avec grâce le très lyrique Demian Vargas ; Paola Pagano renversante dans les bras de Julian Ims ; le couple glamour formé par Ina Lesnakowski et Konstantin Lorenz jusqu’à celui froufroutant et endiablé incarné par Isabelle Brusson et Takafumi Watanabe. Et il y a le « That’s Life » de María Gutiérrez et Kasbek Akhmedyarov. Encore une fois ils nous montrent l’une des innombrables facettes de leur talent, et particulièrement ici leur théâtralité. Femme fatale contre petite frappe mâchouillant son chewing gum, les deux danseurs s’attirent et se rejettent sur le rythme syncopé da la musique. Où sont Alice, Clara, le Prince Bienfaisant ? Nous avons là deux purs produits new yorkais dignes de figurer sur les plus grandes scènes de Broadway.

Quelle meilleure fin pouvait-on rêver pour ce panorama de « New York Dances » qui a mis en exergue un certain nombre de danseurs de la troupe, qui d’ordinaire se retrouvent un peu en retrait. Saluons également le tour de force de l’ensemble de la Compagnie qui a dû faire face à des blessures de dernières minutes de certains garçons. Pari réussi, le public n’y a vu que la qualité de leur réactivité.

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