Disques

L’Everest du clavier

Le mythique recueil des Variations Goldberg de Johann Sebastian Bach fascine depuis toujours tous les claviéristes, clavecinistes et pianistes. Alexandre Tharaud, auquel on doit de splendides exécutions de Rameau, a enfin décidé d’enregistrer ce monument incontournable, après l’avoir mûri au fil des ans. Sa contribution à la redécouverte permanente de ce chef-d’œuvre universel prend ici une forme inhabituelle. En effet, le coffret de cette parution contient un CD de l’enregistrement de studio, mais également un DVD qui associe l’image du pianiste confronté à cet édifice magique.
Il est paradoxal de constater que la genèse d’une partition aussi célèbre, aussi célébrée, conserve sa part de mystère. D’après certaines sources, Bach aurait composé cette suite de trente variations sur le fameux thème de l’Aria à l’intention du jeune claveciniste surdoué Johann Gottlieb Theophilus Goldberg, attaché à la cour du comte Karl von Keyserling. Ce dernier, ambassadeur de Russie à la cour de Saxe, souffrait d’insomnie. Il aurait demandé à Bach d’écrire pour son claveciniste « … quelques pièces de clavier qui, par leur douceur et leur gaieté, puissent le rasséréner quelque peu, durant ses nuits d’insomnie. »

Il est tout aussi probable que ces Variations Goldberg furent conçues en 1741 comme grand final du recueil de la « Clavier-Übung » (Exercice pour clavier), monumentale anthologie en quatre parties. Quoiqu’il en soit, cette sublime pièce d’architecture a marqué toute l’Histoire de la musique par la simple beauté intrinsèque du thème générateur et l’organisation savante des variations qui alternent vivacité virtuose, ornementations brillantes, humour et méditation profonde.

Même si elle a été explicitement conçue pour le clavecin, les pianistes se sont rapidement emparés de l’œuvre. La stratégie des divers interprètes consiste alors à « adapter » leur jeu à la partition. Certains restent dans l’optique du clavecin en s’abstenant d’en « romantiser » l’expression par l’utilisation des nuances piano et forte, parfois même en s’efforçant d’imiter la sonorité du clavecin ; d’autres n’hésitent pas à utiliser toutes les ressources du piano moderne. Alexandre Tharaud se situe entre les deux tendances extrêmes. Son jeu reste sobre, mais coloré. Il différencie avec détermination et subtilité la vivacité des variations virtuoses et la profondeur des épisodes chargés d’émotion, sans en appuyer les effets. La clarté limpide de son toucher permet à la polyphonie, parfois complexe, de laisser percevoir toutes ses voix. L’émotion ne se surajoute pas à la musique. Elle en émane tout simplement. En outre, et c’est peut-être la qualité majeure de cette version, l’interprète conçoit et livre l’œuvre comme un tout cohérent et non comme une suite de pièces individuelles. La durée des silences de transition entre les variations est liée aux caractères des pièces qui se succèdent. Ainsi s’affirme une sorte de dramaturgie de l’architecture.

La vision des mains du pianiste que permet la lecture du DVD, ne constitue pas un gadget supplémentaire. Il est ainsi possible de constater les problèmes que pose le passage du clavecin au piano. Les deux claviers de l’instrument original autorisent une écriture dans laquelle les deux mains peuvent se croiser sans difficulté. L’unique clavier du piano oblige l’interprète à pratiquer une gymnastique de croisement des mains autrement « funambulesque ».

Précisons enfin qu’Alexandre Tharaud choisit ici de jouer les reprises telles qu’elles sont suggérées par le compositeur. Cela explique les différences de minutage entre les diverses et nombreuses interprétations que le disque nous a léguées : de 31 minutes pour le jeune Glenn Gould à 80 minutes pour certains pianistes. Les 75 minutes d’Alexandre Tharaud se trouvent ici parfaitement et musicalement justifiées.

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