Les célébrations se succèdent avec raison. Il y a cent cinquante ans naissait à Saint-Germain en Laye un certain Achille-Claude Debussy, baptisé par la postérité : Claude de France. Voici que paraît à cette occasion un passionnant album de 3 CD consacré à l’essentiel de l’œuvre pour piano de ce rénovateur de l’écriture musicale. L’interprète, le grand Samson François, a marqué l’époque de sa personnalité incomparable à tous points de vue.
Dans sa musique pour piano, tout autant, parfois même plus encore, que dans ses pièces symphoniques, Debussy s’affranchit des règles de composition de son temps. Une franche rupture se manifeste par rapport au passé. Aussi bien classique que romantique d’ailleurs. Debussy invente, imagine, évoque, traduit sensations et impressions. Bien qu’il récuse ce qualificatif d’impressionniste, rapport inopportun car trop limitatif pour lui avec l’art plastique, sa musique représente le même type de rupture avec l’académisme que celle qu’a pratiquée son pendant pictural.
Pour cet hommage, EMI a judicieusement choisi de puiser dans ses précieuses archives. La firme regroupe ainsi en 3 CD tout ce que Samson François a enregistré de l’œuvre pour piano de Debussy. Né en 1924 en Allemagne (à Francfort sur le Main) ce fils d’un employé de consulat a brûlé la vie avec passion. Décédé à 46 ans d’une crise cardiaque, il a traversé la planète musique tel un météore. Ses concerts ressemblaient souvent à un happening. On ne savait jamais à l’avance ce que serait sa prestation. Interprète « imprévisible », parfois irrégulier, Samson François reste un mythe dans l’histoire du piano. Sa virtuosité reposait sur un toucher toujours très expressif et plein de poésie, et il manifestait toujours une grande liberté de jeu.
Le programme du coffret Debussy regroupe presque tous les cycles de Debussy (Les deux livres de Préludes, les deux série d’Images, Children’s corner…), à l’exception notable des Etudes dont seulement une petite sélection figure ici. De nombreuses pièces isolées sont également présentes : les deux Arabesques, L’Isle joyeuse, Rêverie et bien d’autres, ainsi que les courts recueils comme Pour le piano, Estampes, Suite bergamasque…
L’imagination est ici au pouvoir. Le toucher de Samson François ne se cantonne jamais dans le flou artistique. Son Debussy ne fuit pas la lumière. La couleur, le rythme toujours dominant, animent une lecture passionnément subjective. Le respect du texte n’empêche jamais l’interprète de s’approprier chaque pièce avec passion, comme si elle était improvisée dans l’instant. Les quelques Préludes qui sont ici gravés deux fois (en 1961 et en 1968) illustrent magnifiquement les conceptions de l’interprète qui déclarait : « On exécute une œuvre pour la première fois, ou pour la dernière. Ce sont les deux seules formes d’interprétation. (…) Ce qu’il faut, c’est qu’on n’ait jamais l’impression d’être obligé de jouer la note qui suit. »
Tout un programme !
A noter le prix dérisoire d’une telle parution devenue indispensable…