Adoubé par l’immense musicien d’origine argentine Daniel Barenboïm, dont il a été l’assistant principal à Berlin, le chef d’orchestre français Victorien Vanoosten (prononcer Vanosten!) porte un nom flamand de par son grand-père. Directeur artistique et musical de l’Orchestre de Neuchâtel en Suisse, celui que rien ne prédisposait familialement à la musique poursuit une carrière de pianiste et de chef lyrique et symphonique de premier plan.
Rencontre.
Classictoulouse : Quel est votre répertoire, purement lyrique ou bien un mélange de lyrique et de symphonique ?
Victorien Vanoosten : J’ai fait du piano par hasard pour finalement me retrouver pianiste concertiste. Mais je me sentais, tout jeune, attiré par tout ce qui est musical : voix, orchestre, etc. Puis j’ai entendu, alors que je faisais mes études à Paris, La bohème à Bastille avec Rolando Villazón. À partir de ce soir-là et grâce aux places gratuites que nous fournissait le Conservatoire, je suis allé à l’opéra quasiment tous les soirs. C’est en étant chef-assistant pendant cinq ans que j’ai appris le métier de chef lyrique, un métier différent de celui de chef symphonique. J’ai eu la chance de travailler avec Daniel Barenboïm à Berlin, avec Lawrence Foster à Marseille également, et beaucoup d’autres. Tout cela m’a appris énormément de choses sur le théâtre. Je suis sûr que l’on ne peut devenir chef lyrique si l’on n’a pas été pendant quelques temps chef assistant afin de s’imprégner de cet univers. Il est tellement riche et divers. Du coup je me suis forgé un très vaste répertoire lyrique tant français, qu’italien, russe et allemand. En tant que Français, je suis souvent engagé pour « mon » répertoire. C’est formidable parce que je l’adore littéralement. Cela étant, depuis quelques années je développe une carrière symphonique qui est en train d’ailleurs de prendre le pas sur le lyrique. Si j’ai débuté avec la Première Ecole de Vienne, à présent on me propose Mahler, Bruckner, Richard Strauss, Debussy, Ravel. J’avance petit à petit. C’est ma démarche. J’aime aussi beaucoup diriger le ballet, c’est encore un autre métier, très formateur, dans lequel il faut trouver un compromis entre la partition et les danseurs. C’est tout ce que je viens de vous dire qui me nourrit tous les jours. Et j’avoue être dans ce domaine insatiable.
Dans le domaine de l’opéra, quels sont les compositeurs que vous avez à ce jour les plus interprétés ?
Gounod, Massenet, Bizet certainement, mais aussi Wagner et Puccini. Mais mon préféré c’est Debussy et son Pelléas et Mélisande. Je l’ai dirigé dans deux productions différentes et mon rêve est de revenir le conduire. Il est tellement merveilleux. C’est un sommet.
Venons-en à ces Pêcheurs de perles. Ce n’est pas la première fois que vous dirigez cette partition.
C’est la deuxième production que je dirige. La première était celle de Wim Wenders à Berlin. C’est le cinéaste qui a convaincu Daniel Barenboïm d’entrer dans cet univers et j’ai eu la chance que le maestro me propose d’en assurer les reprises.
Quelle version sera donnée au Capitole ?
C’est la troisième version, celle de 1893 qui a été choisie. A Berlin j’ai dirigé la version d’origine de 1863 et j’étais très curieux de savoir à quoi ressemblait cette ultime version. Tout en sachant que l’histoire de cette partition est au moins aussi complexe que celle de Carmen. En fait il est impossible de savoir vraiment ce qu’a écrit Bizet et à quel moment. Quoi qu’il en soit, avec les interprètes réunis par Christophe Ghristi, c’est clair que nous en donnons une version très grand opéra.
Je crois savoir que le Corps de ballet du Capitole sera présent sur scène. Entre les chœurs à diriger, les danseurs, les solistes, la tâche s’avère difficile, non ?
Avec Thomas Lebrun, qui est le metteur en scène et chorégraphe de cette production, nous avons énormément travaillé en amont de ce spectacle, car, effectivement, tous les artistes ne répondent pas de la même manière à une direction d’orchestre. Nous avons mis en place avec Thomas une authentique collaboration en nous enrichissant mutuellement. Clairement, lorsque le ballet est en action, il y a d’autres paramètres qui rentrent en compte. Je dois dire que Bizet est surtout un musicien de théâtre et que toute sa personnalité musicale trouve pleinement sa place à la scène. D’ailleurs, je m’efforce d’expliquer, de demander aux merveilleux solistes de cette distribution, de raconter une histoire, de ne pas penser récitatif puis air, de ne pas s’attarder sur des points d’orgue. En fait nous ne sommes pas loin du drame musical.
Quels sont les ouvrages que vous n’avez pas encore dirigés et que vous rêvez un jour de conduire ?
Le Ring, un jour ! Mais il faut du temps pour un pareil ouvrage. Une anecdote si vous permettez. C’était je pense en 2014, j’étais assistant à Bastille pour la Tétralogie et Christophe Ghristi, que je voyais pour la première fois, m’a confié la direction d’un Ring concentré sur deux heures, Siegfried et l’Anneau maudit, qui a été donné à l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille. Ce spectacle a fait l’objet d’une tournée qui a très bien fonctionné. Bien sûr je rêve de Tristan, de Parsifal, du Chevalier à la rose. Je crois que ce sont des opéras qui me correspondent physiquement, comme ceux de Massenet. Mais j’aime aussi beaucoup l’émotion pure du dernier Verdi et de Puccini. Et je reviens à ces Pêcheurs avec un bonheur incroyable. Concernant Mozart, dont j’adore tenir le continuo lorsque je le dirige, je persiste à le trouver d’une exigence folle. C’est un compositeur qui ne supporte même pas l’à peu près, comme tous les autres d’ailleurs (rires!!). Je l’ai abordé étant jeune, je pense que je poursuivrais… plus tard. J’ai découvert l’Orchestre du Capitole aujourd’hui. Bien sûr tout le monde musical connaît les qualités de ses musiciens, mais tout de même, quel bonheur, quelle complicité immédiate et quelle réactivité lorsque je demande le moindre détail. Je crois que le répertoire français est dans leur ADN.
Quels sont vos projets après le Capitole ?
Après différents concerts, je vais faire mes débuts à Francfort en dirigeant Martha de Flotow. A nouveau Les Pêcheurs de perles à Berlin, toujours dans la même mise en scène de Wim Wenders. Suivra Thaïs puis beaucoup de symphonique avec des œuvres de Richard Strauss et de Bruckner.
Votre premier contact avec le Capitole ?
Vous dire simplement que c’est un véritable foisonnement de talents à tous les niveaux et dans tous les corps de métier. Tout le monde participe à ce que cette maison soit une grande maison d’opéra.
Propos recueillis par Robert Pénavayre le 15 septembre 2023