Opéra

Une Atlantide bretonne

Il en est ainsi du sort de certains ouvrages, oubliés pendant des dizaines d’années, ils refont tout à coup surface. Ainsi, en cette année 2007, Le Roi d’Ys se voit offrir pas moins de deux nouvelles productions hexagonales, l’une à Saint Etienne et l’autre à Toulouse.

Si tous les mélomanes connaissent la fameuse Symphonie espagnole d’Edouard Lalo, finalement bien peu ont vu, ou même simplement entendu, son presqu’unique opéra : Le Roi d’Ys.

Presqu’unique car Lalo en a écrit au moins un autre : Fiesque, créé à Montpellier en…2006 ! A vrai dire, la carrière de Lalo ne connut pas une grande renommée critique, alors que le public applaudissait ardemment ses compositions.

Pour en revenir à ce fameux Roi d’Ys, et pour souligner le peu d’empressement de l’intelligentsia musicale de l’époque, rappelons simplement que cet ouvrage fut créé, non sans peine, six ans après sa composition, alors que le musicien, âgé de 65 ans, est quasiment paralysé. Cela se passait à l’Opéra-Comique, le 7 mai 1888. Lalo devait disparaître quatre ans plus tard.

Le chef d’orchestre Yves Abel dirige pour la première fois à Toulouse

La version que nous connaissons aujourd’hui est, en fait, une seconde écriture de l’œuvre, la première, composée une dizaine d’années avant, ayant disparu.
Une intrigue et une composition aux accents wagnériens
Le librettiste Edouard Blau s’est inspiré d’une légende bretonne, ici terriblement simplifiée, mettant en scène un quatuor amoureux dans une ville, Ys, protégée des assauts de l’Océan par une écluse. Deux sœurs, Rozenn et Margared, filles du roi d’Ys, se disputent les faveurs d’un jeune guerrier, Mylio. Ce dernier aime Rozenn d’une folle passion. Or, Margared est aimée du pire ennemi de la cité, le Prince Karnak. Et c’est pour apaiser toutes ces tensions que le Roi décide de marier Margared à Karnak. Problème, le jour des noces, Margared renvoie sur ses terres son futur mari. L’offense devra être lavée dans le sang. Battu par les armées d’Ys, Karnak, ayant échappé au massacre, se voit confier par une Margared folle de jalousie, le secret de l’écluse qui sauvegarde Ys. Il laissera la vie dans l’aventure de même que Margared qui, pour calmer les eaux envahissant sa ville, se jettera dans l’abîme liquide, sous la houlette bienveillante de Saint Corentin.

Le sacrifice de Margared rappelle bien sûr celui de Senta dans La Vaisseau Fantôme, de même que le couple Margared/Karnak n’est pas sans évoquer celui de Lohengrin : Ortrud et Telramund. Les clins d’œil wagnériens sont aussi dans une partition qui n’hésite pas à citer Tannhäuser ! Mais il ne faudrait surtout pas réduire le talent de Lalo à ces quelques considérations finalement anecdotiques. En effet, l’orchestration de ce musicien est d’une élégance extrême, aristocratique, mélancolique et tendre, empreinte d’un accent français irremplaçable et inimitable. Ecoutez ses cordes, elles figurent parmi les plus subtiles de tout le répertoire, rappelant gentiment quel virtuose il fut.

Inscrivant le retour au répertoire du Capitole de cet opéra, Nicolas Joel nous offre l’occasion de découvrir l’une des perles rares de notre patrimoine lyrique.

Le ténor américain Charles Castronovo sera Mylio.

Une nouvelle production de classe internationale
En invitant un casting à faire frémir les plus grandes scènes de la planète, Nicolas Joel frappe très fort pour l’ouverture de la saison 2007/2008.

Le chef franco-canadien Yves Abel, chef principal invité du Deutsche Oper de Berlin, fondateur et directeur de l’Opéra Français de New York, fait son apparition au fronton du temple lyrique toulousain. Il reviendra en fin de saison pour Les Contes d’Hoffmann.

Dans le rôle de Mylio, nous retrouverons, avec une joie non dissimulée, le joyau des dernières reprises capitolines (juin 2002) de Falstaff : le ténor américain Charles Castronovo, tout auréolé d’un Némorino parisien qui fit craquer les plus exigeants spécialistes.

Somptueuses retrouvailles aussi que celles d’Inva Mula (Rozenn) et de Sophie Koch (Margared). Qu’imaginer de mieux ?

Franck Ferrari sera Karnak

Quant à la production, le seul énoncé du quatuor magique coupable de tant de réussites au Capitole depuis de nombreuses années, se passe de tout commentaire, à savoir : Nicolas Joel (mise en scène), Ezio Frigerio (décors), Franca Squarciapino (costumes) et Vinicio Cheli (lumières).
Une somptueuse ouverture de saison en perspective !

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