Les habitués du Théâtre du Capitole le savent de longue date, il faut toujours être très attentif aux seconds casts. Les reprises de Norma cette saison 24/25 ne font pas exception à la règle en nous proposant une distribution totalement différente de la première, une nouvelle distribution qui a mis le feu à la vénérable institution, faisant frémir les grandes ombres passées qui ont marqué le chef-d’œuvre de Vincenzo Bellini.
Sous la direction précise, nuancée, flamboyante, émouvante en même temps qu’intensément dramatique du maestro espagnol José Miguel Pérez-Sierra, que nous retrouverons à ce poste lors des reprises de Lucia di Lammermoor la saison prochaine, cette Norma nous apparait sous un jour rendant pleinement justice à une partition d’une incroyable difficulté.

Lorsque le rideau s’ouvre, il nous dévoile la druidesse de Claudia Pavone. En un regard, tout est dit. Le masque de cette soprano italienne est celui d’une tragédienne, profond, bouleversant, fracturé, autoritaire. Lorsque la voix s’élèvera, majestueuse, homogène, vibrante, puissante, nantie d’une souplesse qui fait fi des vocalises meurtrières de la cabalette suivant le Casta Diva, on aura bien saisi l’événement qui nous est proposé. Déjà l’impérieux récitatif qui précède cette aria en disait long dans la véhémence de son articulation. La suite de la représentation le confirmera, Christophe Ghristi a mis la main sur une grande Norma, de celles qui se comptent sur les doigts d’une main par génération. Elle ne peut cependant exister seule. Le Directeur artistique du Capitole nous présente également une jeune mezzo-soprano française : Eugénie Joneau dans le rôle d’Adalgisa. Stupeur et tremblement d’émotion ! Altière, portant le péplum avec une élégance fastueuse, elle déploie une voix au timbre ambré, riche en colorations, puissante dans tous les registres, souple dans les vocalises. Terriblement émouvante, elle recueillera de la part du public une ovation égale à celle qui fit exploser le Capitole au rideau final lorsque Claudia Pavone, seule, est venue saluer. Il faut dire que leurs deux duos ont été des moments d’une grâce musicale inoubliable autant qu’ineffable. Difficile d’exister à leurs côtés, c’est sûr. Cependant, le Pollione de Mikheil Sheshaberidze s’impose par une vaillance évidente et un cantabile travaillé, soucieux de la ligne bellinienne. Adolfo Corrado n’a aucun mal à tracer le portrait vocal d’Oroveso grâce à un timbre d’un velours sombre, une voix ronde, longue et homogène, un phrasé exemplaire. Une basse que l’on a hâte d’entendre dans un rôle plus exposé afin d’apprécier pleinement ses infinies qualités.

Anna Oniani (Clotilde) et Léo Vermot-Desroches (Flavio) faisaient à nouveau bénéficier ces deux rôles secondaires de leur talent superlatif.
L’Orchestre et le Chœur de l’Opéra national du Capitole, comme galvanisés par un véritable état de grâce, brillèrent de mille feux.
Triomphe indescriptible !
Robert Pénavayre
Photos : Mirco Magliocca