Opéra

Le public réserve un magnifique succès aux Pécheurs de perles

Premier acte des Pêcheurs de perles au Capitole de Toulouse. Mise en scène : Thomas Lebrun

L’ouverture de la saison lyrique capitoline marque depuis plus de trois siècles le début des festivités musicales dans la Ville rose.  Et il n’est rien de dire combien elle est attendue. Encore une fois cette année elle est l’objet d’un retentissant triomphe public qui ira, n’en doutons pas, en s’amplifiant au travers des 6 autres représentations à guichet fermé qui attendent les quelques 8000 spectateurs heureux détenteurs des précieux billets.

Cette nouvelle production des Pêcheurs de perles de Georges Bizet aurait dû voir le jour il y a tout juste 3 ans. La pandémie du Covid avait transformé cet opéra en… Cosi fan tutte, ouvrage moins exigeant en termes de présences sur le plateau. Cela dit, c’est exactement la même distribution vocale qui a été retenue. La mise en scène et la chorégraphie sont signées d’un débutant en matière lyrique : Thomas Lebrun. Avec la complicité d’Antoine Fontaine pour les décors, de David Belugou pour les costumes et de Patrick Méeüs pour les lumières, c’est tout un univers bollywoodien de contes et légendes de l’Inde mystérieuse qui nous est offert ici.  Pas de relecture du livret (ouf !), d’ailleurs l’œuvre n’y résisterait pas, mais une illustration très premier degré, voire presque naïve, qui sied parfaitement à une œuvre de jeunesse qui connut, en termes de livret et de composition musicale, bien des atermoiements. Peu de solistes sur scène, mais une importante phalange chorale et, au Capitole, le ballet maison, quasiment en action d’un bout à l’autre. Quitte à devenir un brin intrusif… , ce dernier commente l’action, l’amplifie parfois, l’illustre souvent dans une grammaire chorégraphique qui flirte autant avec le plus parfait académisme (pointes, grand jeté, etc.) qu’avec la tribalité de certains mouvements.

Anne-Catherine Gillet (Leïla)

Anne-Catherine Gillet, une Leïla idéale

La soprano belge Anne-Catherine Gillet incarne une sculpturale Leïla, une flamme qui anime le plateau de toute son ardeur amoureuse. Sa voix parfaitement homogène franchit les écueils mortels du 1er acte pour ensuite se déployer chaleureusement dans les actes suivants, laissant s’épanouir un médium généreux, des graves parfaitement assis et un registre aigu d’une merveilleuse rondeur, brillant et sans faille.  A ses côtés, le baryton Alexandre Duhamel impose en Zurga une voix aux accents sombres et meurtris par le conflit qui le tourmente, entre son amitié pour Nadir et sa passion pour la belle prêtresse. Mathias Vidal offre le Nadir que l’on attendait de ce ténor suprêmement musical et à la prosodie parfaite. Même s’il manque un peu de carrure dans les ensembles, le portrait vocal qu’il trace de l’ami de Zurga est un exemple de virtuosité, de phrasé, de couleurs.

Mathias Vidal (Nadir) et Alexandre Duhamel (Zurga)

Les quelques mais explosives interventions de Jean-Fernand Setti en Nourabad, costumé étrangement façon drag queen couverte de perles évidemment, laissent augurer tant par la plénitude du timbre que la puissance de la projection d’autres rôles bien plus conséquents. Saluons enfin la participation grandiose du Chœur de l’Opéra national du Capitole placé sous la direction de Gabriel Bourgoin.

Jean-Fernand Setti (Nourabad)

La découverte Victorien Vanoosten

Pour sa première apparition dans la fosse de l’Opéra national du Capitole, le chef français Victorien Vanoosten fait preuve d’une osmose véritablement alchimique avec cet ouvrage. Œuvre de jeunesse, éminemment fragile, ces Pêcheurs de perles sont un piège redoutable. Victorien Vanoosten, il est vrai à la tête d’un Orchestre national du Capitole des grands jours, donne une lecture de cette partition qui évite les écueils d’une écriture parfois surprenante, laissant entendre comme des échos anticipés de Carmen, et traversée de mélodies, que ce soit à l’attention des chœurs, des solistes ou de l’orchestre, d’une beauté qui a franchi l’épreuve du temps et se sont imposées parmi les plus belles jamais composées. Sa battue particulièrement aérienne trouve son acmé dans une main gauche tissant de véritables dentelles sonores ou déclenchant des séismes musicaux ravageurs. Du grand art assurément.

Victorien Vanoosten – Photo: Evgeny Evtyukov

Hommage à Mady Mesplé

A la fin de la représentation, Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse et Président de Toulouse Métropole, a dévoilé la plaque commémorative rendant hommage à la soprano toulousaine Mady Mesplé (1931-2020). Le grand foyer de l’Opéra national du Capitole de Toulouse portera désormais son nom.

Robert Pénavayre

Représentations jusqu’au 8 octobre 2023

Renseignements et réservations : www.opera.toulouse.fr

Crédit photo : Mirco Magliocca

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