L’œuvre lyrique du plus anglais des musiciens allemands est colossale. Avec ses quelques quarante opus, elle compte parmi les plus représentatives du genre dans l’Histoire de la Musique. Alors que la plupart des ouvrages haendéliens est tombée dans l’oubli, une poignée de baroqueux tente depuis le milieu du siècle dernier de leur donner une nouvelle chance, s’affrontant au passage sur des questions musicologiques épineuses. L’émergence de la tessiture de contre-ténor, tessiture venant remplacer, du moins dans la couleur, celle des castrats, et le fol engouement public pour cette voix qui s’ensuivit, est loin d’être marginale dans le retour en grâce de ce répertoire.
Jean-Christophe Spinosi, chef d’orchestre
– Photo Serge Derossi/Naive –
Kristina Hammarström chantera finalement le rôle de Medoro – Photo Mats Backer –
Le Théâtre du Capitole continue d’explorer cet univers et, après Poro, re dell’Indie (1994), Athalia (2003) et Belshazzar (2011), voici donc l’un des incontestables chefs d’œuvre d’Haendel : Orlando.
Sur un livret inspiré de l’Orlando furioso de l’Arioste, le compositeur nous offre un opéra magique à tous les sens du terme. Magique car les péripéties font appel à des interventions surnaturelles. Magique aussi car c’est un feu d’artifice vocal sans équivalent, réclamant des interprètes aguerris au style da capo avec ses obligatoires reprises ornées. Magique enfin car il nous montre toute la modernité de son compositeur, n’hésitant pas à mettre en scène un anti-héros bousculant les règles strictes de l’opera seria. L’histoire met en présence Orlando, amoureux d’Angelica qui, elle, est amoureuse de Medoro qui, lui, est aimé de Dorinda. Il faudra toute la puissance du mage Zoroastro pour qu’un happy end vienne à bout de cette aventure.
Cet opéra nous arrive dans le cadre d’une coproduction avec le Théâtre du Capitole, l’Opéra de Rennes et le Théâtre de Lorient. Il est dirigé par Jean-Christophe Spinosi qui sera bien sûr à la tête de son Ensemble Matheus.
C’est Eric Vigner qui signe toute la production (mise en scène, décors et costumes), les lumières sont de Kelig Le Bars
Sur le plateau, le contre-ténor David DQ Lee, qui devait être originellement Medoro, revêt en fait le costume d’Orlando. C’est donc Kristina Hammarström, initialement Orlando, qui se travestit en prince africain. C’est avec un plaisir sans mélange que nous retrouvons la soprano slovaque Adriana Kucerova, ici dans le redoutable rôle d’Angelica. La jeune pastourelle Dorinda prend les traits et la voix de Sunhae Im, cette soprano coréenne remplaçant Veronica Cangemi annoncée en début de saison, alors que Luigi De Donato affronte l’un des plus terrifiants rôles de basse écrits par Haendel.
Un spectacle rare, à ne pas manquer !