Nous le savons depuis longtemps, les secondes distributions au Capitole sont le théâtre de découvertes somptueuses qui, parfois, éclipsent les premières distributions. Faites pour des prises de rôle, des débuts capitolins, donner aussi leur chance à de tous nouveaux talents, ces secondes sont un bienfait tombé du ciel pour les jeunes artistes. A la marge bien sûr, cela permet aussi de parer à toutes éventualités… Nous allons y revenir.
Pour l’heure, en ce 3 avril 2024, c’est une distribution largement différente de la première qui se mesure au chef-d’œuvre rossinien. Sous la baguette de Michele Spotti, toujours aussi énergique, nuancée, stylée, irradiante d’une science stupéfiante de l’œuvre, qu’un cast de premiers rôles entièrement nouveau se présente au public. Entièrement n’est pas exact tout à fait car Vincenzo Taormina aura enchaîné, et avec quel aplomb et quelle maîtrise du chant syllabique, les huit représentations de l’ouvrage en dix jours ! Un exploit qui rend bien compte de la perfection de sa technique et de sa santé vocale. Sans oublier un artiste dont l’engagement scénique en Don Magnifico est tout simplement ahurissant de générosité. Saluons également pour leur constance la Clorinda de Céline Laborie et la Tisbe de Julie Pasturaud, deux sœurs horripilantes à souhait.
Les nouveaux !
Succédant à Adèle Charvet, nous découvrons, dans le rôle-titre, la jeune Floriane Hasler, une voix longue, parfaitement homogène sur toute la tessiture, se déployant dans un phrasé qui, dès son air d’entrée, se révèle de grande ampleur. Par la suite, la virtuosité s’affirme dans toute l’exigence rossinienne : trilles, vocalises, sauts d’octaves sont ici d’une précision exemplaire. Une artiste à suivre assurément. Autre découverte, le ténor Michele Angelini succède à Levy Sekgapane dans le rôle de Ramiro. Ici encore, l’instrument répond à toutes les sollicitations d’une partition redoutable. Un grave bien appuyé, sonore, et un médium chaleureux se trouvent couronnés d’une quinte aigüe sans appel et dont on a du mal même à cerner les limites.
Dandini revient à Philippe Estèphe. Problème de trac ? Méforme passagère ? Si le timbre de baryton est des plus attrayants et son style parfaitement châtié, il n’en demeure pas moins qu’assez rapidement nous le devinons accroché par l’ampleur du rôle. A tel point que c’est Florian Sempey, titulaire du rôle dans la première distribution et présent dans la salle ce soir-là, qui finit l‘ouvrage. Mais c’est en vrais complices de scène que les deux artistes sont venus saluer de concert au rideau final ! Le théâtre vivant c’est aussi cela ! L’énorme surprise est venue en fait assez rapidement. Dès les premières notes émises par Adolfo Corrado, on a bien compris que le grand frisson n’était pas très loin. Son Alidoro est tout simplement somptueux non seulement de rigueur vocale, mais également de timbre, de phrasé, de virtuosité. La saison prochaine il chante ici même le « second » Oroveso des reprises de la Norma. A bon entendeur…
Robert Pénavayre
Photos : Mirco Magliocca.