Opéra

Au fond du temple saint…

Le Théâtre du Capitole - photo: Christophe Carasco

La reprise d’un standard de l’opéra comme Les Pêcheurs de perles à l’Opéra national du Capitole est plus qu’un événement. Non seulement l’œuvre est magnifique mais en plus elle a quitté l’affiche in loco depuis 1998 ! Résultat, et malgré une septième représentation programmée in extremis, l’ouverture de la saison 23/24 se fera certainement à guichet fermé.

Georges Bizet a 24 ans en 1863 lorsque la commande d’une œuvre lyrique lui échoit. Il a 3 mois pour la composer. Cette commande provient de Léon Carvalho, tout puissant directeur du Théâtre Lyrique à Paris.  Et plus indirectement du fils de… Napoléon 1er, le Comte Walewski, alors au gouvernement en charge, entre autre, des Beaux-Arts. Carvalho a donc reçu une subvention afin de programmer dans son théâtre une composition d’un jeune Prix de Rome qui n’a jamais été représentée.

Encore faut-il un livret. Les deux librettistes vont d’abord situer l’action au Mexique avant de la déplacer vers un île fantasmatique, Ceylan (le Sri Lanka d’aujourd’hui).  Le sort des héros se baladera entre les méandres de la création littéraire, depuis la mort de Leïla jusqu’au suicide de Zurga !  Nous connaissons la suite…  Finalement l’ouvrage est créé le 30 septembre 1863 et connaîtra, si ce n’est un franc succès, 18 représentations. Puis plus rien avant le décès du compositeur en 1875. La partition connaît alors des mésaventures qui l’éloignent de l’original. Deux versions vont suivre en 1885 et en 1893. Ce n’est qu’en 1973 que l’orchestration « d’origine » est écrite par Arthur Hammond, la partition orchestre autographe ayant été perdue, c’est à partir de la partition chant-piano que ce musicien et musicologue travaillera.

Si, à l’époque de la création de ces Pêcheurs, Bizet a déjà fait ses armes en matière lyrique, l’opéra en tant que forme lui été étranger, d’autant qu’il n’y a pas ici de dialogue parlé mais des récitatifs chantés. Sans le savoir, le jeune Bizet côtoie sérieusement le drame musical avec un sens inné et inimitable de la mélodie et du pittoresque qui font de cet ouvrage un maillon essentiel dans l’évolution de l’art lyrique français.

Je crois entendre encore…

Dès 1934, on trouve des témoignages de représentations des Pêcheurs au Capitole. Et il y a de fortes chances que ce ne fut point un début car l’ouvrage était alors affiché tous les ans. Il faisait alors partie de ce que l’on appelait le répertoire courant et était interprété par les artistes de la troupe. Ce sera le cas jusqu’en jusqu’en 1968. Ensuite il deviendra plus rare à l’affiche du Capitole : 1986, 1990 et 1998. De nombreuses et belles voix ont illustré au Capitole les airs et duos de cet opéra comptant parmi les plus célèbres de tout le répertoire. Il en est ainsi, pour le rôle de Nadir, de Jean Dupouy, Gérard Garino, John Aler et… Gregory Kunde, celui-là même qui, aujourd’hui à l’âge de 70 ans, est l’un des grands ténors dramatiques les plus courtisés de la planète lyrique.  Les Zurga n’ont pas été en reste : Robert Massard (bien sûr), Jean-Philippe Lafont (évidemment), Philippe Rouillon et Rodney Gilfry (en alternance avec… Ludovic Tézier en1998).  De très belles Leïla leur ont donné la réplique : Caroline Dumas, Ghyslaine Raphanel, Leontina Vaduva (du luxe !) et Annick Massis (somptueuse).

Les Pêcheurs de perles au Théâtre du Capitole en mai 1986 – Jean-Philippe Lafont (Zurga) – Production Luigi Samaritani

Les présentes reprises se font dans le cadre d’une nouvelle production dont la mise en scène et la chorégraphie ont été confiées à Thomas Lebrun, dans les décors d’Antoine Fontaine, les costumes de David Belugou et les lumières de Patrick Méeüs.

Sur le plateau, l’exacte distribution qui devait se produire dans cet ouvrage in situ pour ouvrir la saison 20/21. Nous le savons, si la distribution des solistes n’est pas pléthorique (4 rôles !), par contre les chœurs et le ballet sont presque omniprésents, ce qui rendait ce spectacle impossible à monter au moment le plus fort de la pandémie. Nous allons donc, enfin, entendre la soprano Anne-Catherine Gillet (Leïla), le ténor Mathias Vidal (Nadir), le baryton Alexandre Duhamel (Zurga) et la basse Jean-Fernand Setti (Nourabad). Seul nouveau venu dans cette production, le chef d’orchestre français Victorien Vanoosten qui aura en charge cette partition aux subtilités infinies.

Le chef d’orchestre Victorien Vanoosten – Photo: Yvan Revasov

Un grand et précieux rendez-vous pour lequel il a été indispensable d’ajouter une représentation, les six premières programmées étant complètes depuis longtemps.

Robert Pénavayre

Représentations : 26 et 28 septembre, 1er, 3, 5, 6 et 8 octobre 2023

Renseignements et réservations : www.opera.toulouse.fr  

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