Festivals

Venise en Aude Romane

Dans le cadre du festival « Fugue en Aude Romane », le très beau et charmant village de Saint-Papoul accueillait, le 18 juillet dernier dans l’église de son abbaye, l’un des brillants programmes de l’ensemble de cuivres anciens de Toulouse, « Les Sacqueboutiers », celui qui illustre joliment les correspondances entre peinture et musique. Ce « Clair-obscur dans le sillage du Caravage » visite les musiques italiennes sacrées et profanes du XVIIe siècle à la lumière des toiles de Carvaggio, ce génie inventif, propagateur du fameux et très expressif clair-obscur pictural.

Les Sacqueboutiers à Saint Papoul. De gauche à droite :
Hélène Médous (violon),

Jean-Pierre Canihac (cornetto), Adriana Fernandez (soprano), Yasuko Bouvard (clavecin et orgue, cachée par son pupitre !) et Daniel Lassalle (sacqueboute)

– Photo Classictoulouse –

Construit autour du fil rouge que représente Claudio Monteverdi, l’inventeur du « recitar cantando », comme le rappelle opportunément Jean-Pierre Canihac en début de concert, ce programme alterne pièces sacrées et profanes, joie et méditation, ombre et lumière. Le père de l’opéra bénéficie cet après-midi-là de l’art du chant de la soprano argentine Adriana Fernandez, compagne de route des Sacqueboutiers. Ses lumineuses interventions éclairent les partitions du génial maître de chapelle de Saint-Marc de Venise, en explorent les méandres expressifs. Le « Laudate Dominum » pétille de bonheur, le « Zefiro Torna » déploie sa grâce ineffable, alors que la tragique et emblématique « Lettera amorosa » touche l’auditeur au cœur et à l’âme. Bouleversante lecture que celle d’Adriana Fernandez. Son étonnant duo avec le cornetto de Jean-Pierre Canihac dans l’incroyable « O Glorioso Domina », d’Ignazio Donati, mêle les sonorités au point de donner l’illusion que les deux voix s’échangent, se mêlent avec une subtile sensualité. Celui que développe « Su la cetra amorosa » ajoute sa dimension virtuose à la poésie expressive que les interprètes exaltent avec passion.

Virtuosité encore, ô combien éblouissante, que celle de la sacqueboute de Daniel Lassalle dans la Sonate Concertate de Dario Castello, véritable défi « coloratura », et celle d’Hélène Médous dans la Sonate I, dite du Rosaire, de Franz von Biber. Une sonate qui nécessite d’ailleurs un accord en « scordatura » du violon, rompant avec toutes les habitudes tonales et harmoniques de l’instrument.

Virtuosité toujours avec cette ahurissante Septima toccata pour clavier de Michelangelo Rossi aux chromatismes brûlants que Yasuko Bouvard porte à incandescence sur son clavecin particulièrement sonore. Un autre duo de choc associe, confronte même, violon et cornetto dans la Sonata XI de Giovanni Battista Fontana.

Le programme de la soirée s’achève sur le très exaltant Confitebor extrait de la « Selva morale », de Monteverdi, au refrain enjoué, presque obsédant. Néanmoins, une pièce supplémentaire jouée en bis, la subtile et aimable « Rosetta » de Monteverdi vient réjouir un public ravi et heureux.

Notons que l’essentiel de ces pièces constitue le contenu d’un récent enregistrement CD de l’ensemble, album intitulé précisément « Clair-obscur, dans le sillage du Caravage ».

Un événement musical qui rajoute au charme de ce festival « Fugue en Aude Romane » dont les spectacles investissent les lieux emblématiques de cette belle région où l’histoire a laissé d’impressionnants témoignages.

Partager