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Une belle soirée anniversaire

Bien que Richard Wagner ne fasse pas partie des habitués de ce Festival, Raymond Duffaut a souhaité malgré tout célébrer le bicentenaire de la naissance de ce géant de l’art lyrique en programmant cette année l’un des opéras de jeunesse de ce compositeur : Le Vaisseau fantôme. Richard Wagner a tout juste 30 ans lorsque son œuvre est montée pour la première fois. Même s’il reviendra plus tard sur son ouvrage, cet opéra contient toute la sève qui ensuite nourrira l’œuvre entière du Magicien de Bayreuth.
Pour l’heure, en cette soirée idéale pour une représentation en plein air des Chorégies et devant des gradins confortablement remplis, le chef finlandais Mikko Franck dirige son futur orchestre (à partir de 2015) : le Philharmonique de Radio France.

La scène finale du Vaisseau Fantôme
– Photo Bruno Abadie – Cyril Reveret –

Dès l’ouverture, dans laquelle chaque page contient une tempête, le ton est donné. La souplesse du phrasé et la transparence du son vont primer sur la lourdeur et la pesanteur de certaines directions teutonnes. Attention, cela ne signifie en rien que le grand éclat wagnérien est absent de cette interprétation. Non, c’est tout simplement à une autre alchimie sonore dramatique que nous invite ce maestro, une alchimie faite d’un lyrisme échevelé propre à satisfaire les thuriféraires de Richard Wagner comme ceux dont le cœur et les sens privilégient encore les mélodies transalpines. Donné, tel que le souhaitait le compositeur, en un seul acte, ce Vaisseau fantôme a conquis un public qui lui a réservé un magistral triomphe.

Dans une production signée d’un maître des lieux : Charles Roubaud (mise en scène), le douloureux destin du capitaine maudit est symbolisé par une gigantesque étrave brisée encastrée dans la scène. S’attachant, à juste titre, à la direction scénique des chœurs, élément fondamental de cet opéra, Charles Roubaud les anime d’un mouvement qui n’est pas sans rappeler le flux et le reflux des vagues océanes, avec un arrêt sur image fantastique lorsque les matelots maudits participent à la fête.

Le baryton-basse Egils Silins

– Photo Philippe Gromelle Orange –

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Saluons également la tenue vocale de ces chœurs de région (Angers-Nantes, Avignon, Capitole de Toulouse) dont la discipline en ce vaste ensemble constitue toujours une prouesse notable. C’est l’un des grands barytons-basses wagnériens du moment qui incarne ce Hollandais : Egils Silins. Stature magnifique, timbre superbe, phrasé somptueux, il est difficile de souhaiter mieux, même si la confrontation avec les lieux et l’orchestre nous prive de quelques notes.

Autre débutant in loco, la basse Stephen Milling s’illustre par ailleurs sur tous les grands plateaux wagnériens. Il est un Daland au creux aussi impressionnant que sa projection.

Le ténor Endrik Wottrich, ici Erik, chante quasiment l’intégralité du répertoire de Bayreuth. Même si l’aigu change souvent de couleur, on sent l’artiste en maîtrise totale d’un emploi qui ne lui pose que peu de problèmes.

Soulignons le timonier de Steve Davislim. Ce mozartien accompli nous délivre une ballade superbe de musicalité. C’est une autre gloire des plateaux wagnériens qui faisait également ses débuts devant le Mur : Ann Petersen. Déjà célèbre Isolde, Elsa et Elisabeth, cette cantatrice aux moyens tout à fait remarquables, affronte Senta avec un timbre lumineux, un phrasé merveilleux et une clarté aveuglante dans le registre aigu lui permettant de dominer les flots impétueux de la partition. A ses côtés, Marie-Ange Todorovitch est une Nourrice (Mary) dans la meilleure des traditions.

Rendez-vous est d’ores et déjà pris pour l’autre bicentenaire, celui de Verdi, ce sera les 3 et 6 août prochains pour deux représentations d’un sommet bel cantiste : Un Ballo in maschera.

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