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Till Fellner, l’autorité chaleureuse

Elève du grand Alfred Brendel, le tout jeune Till Fellner est apparu pour la première fois à Piano aux Jacobins en 1995. De retour pour la célébration du 30ème anniversaire du festival, l’artiste accompli a fasciné le public réuni dans le cloître le 10 septembre dernier.

Cette fascination tient avant tout à l’attitude de l’interprète par rapport à l’œuvre qu’il joue. Contrairement à nombre de ses collègues virtuoses, Till Fellner ne cherche pas à briller par lui-même. Il semble tout entier investi d’une mission. Celle de servir la musique et non de s’en servir. Son récital toulousain, entièrement consacré à Beethoven, témoigne de cette démarche olympienne tout imprégnée d’une modestie enracinée dans l’autorité naturelle de sa musicalité.

Le pianiste autrichien Till Fellner (Photo Ben Ealovega)

Le programme qu’il a choisi fuit les sentiers battus. Ni « Clair de Lune », ni « Appassionata », ni « L’Aurore ». Tel un parcours initiatique, la succession des cinq sonates qui s’enchaînent appartient au monde secret des moins fréquemment jouées. La première partie s’ouvre sur l’opus 79, « Alla tedesca », qualifiée par Beethoven de « Sonate facile » et s’achève sur la plus connue sonate « Pastorale » (n° 15 en ré majeur), en passant par la 24ème, l’opus 78 dédiée « A Thérèse ». De l’austérité de la première à la richesse intérieure de la troisième la progression se construit intelligemment. Till Fellner pratique un jeu d’une rigueur, d’un détachement affectif qui permettent à la musique de s’épanouir avec un naturel étonnant. Comme si l’interprète ne faisait plus écran entre l’œuvre et l’auditeur, mais se contentait de prendre chacun de nous par la main et de le conduire vers la destination choisie par le compositeur.

La seconde partie oppose la concision sublime de la sonate n° 27 à l’incroyable effusion de la n° 4, en mi bémol majeur, œuvre bouillonnante de prime jeunesse. De la première se détache le Rondo, tendre comme un lied de Schubert que l’interprète caresse avec douceur. La vaste sonate juvénile qui conclut le programme, surprend par la richesse et l’élan qui s’y manifestent. Till Fellner en fouille tous les détails avec une finesse extrême.

La « Sonate facile pour le piano-forte » op. 49 n° 1 , pas si facile que cela d’ailleurs, constitue le bis généreux par lequel le pianiste complète ce bel itinéraire beethovénien.

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