Après le concert d’ouverture du festival, qui confirmait le rayonnement d’un grand artiste en la personne de Nelson Goerner, la soirée du 5 septembre fut celle de la découverte. Le jeune Kit Armstrong vient à peine d’avoir vingt-et-un ans et sa personnalité impressionne par l’étendue de ses activités et de son engagement musical. Le programme exigeant et imaginatif de son récital toulousain aurait pu rebuter le grand public. Son pouvoir de communication est tel qu’une ovation spontanée a accueilli sa performance étonnante à laquelle il sait ajouter un commentaire discret mais stratégique.
Né en 1992 en Californie le pianiste anglo-taïwanais ne se contente pas d’être un interprète accompli. Il compose depuis sa plus tendre enfance. A l’âge de dix ans, il avait déjà composé plus de quinze œuvres. Menant de front études musicales et scientifiques, il se spécialise dans le domaine des mathématiques pures à l’Université Pierre et Marie Curie de Paris tout en travaillant avec le grand Alfred Brendel qui est devenu son mentor. Ses apparitions dans les plus prestigieuses salles de concert du monde, en récital, en concert avec orchestre ou en musique de chambre, se font de plus en plus fréquentes. En outre, Kit Armstrong conçoit des programmes d’une grande originalité comme en témoigne sa participation à la présente édition de Piano Jacobins.

Le jeune pianiste Kit Armstrong pendant son concert du 5 septembre au 34ème festival

© Classictoulouse

Deux compositeurs que séparent presque trois siècles nourrissent la substance de son récital : Johann Sebastian Bach et György Ligeti ! L’interprète détecte et explicite des connections harmoniques et rythmiques entre ces deux inventeurs de musique. Il débute la soirée sur la série des Musica Ricercata (du n° 1 au n° 7) du compositeur hongrois.

Immédiatement se révèlent alors des qualités pianistiques étonnantes que l’on retrouve dans ses interprétations de Bach. Une clarté absolue émane de son clavier dont chaque voix reste lisible, comme soulignée par une lumière intense. Le caractère percussif de son jeu dans les pièces de Ligeti s’accompagne d’un déploiement extrême de la dynamique, du fortissimo éclatant au silence. La polyrythmie de ces pièces étonnante qui datent de 1953 bénéficie de cette lecture aux rayons X du jeune pianiste. On reconnaît au passage la plus célèbre d’entre elles, brillamment rythmée et souvent jouée dans son orchestration pour instruments à vent.

Le contraste n’est pas mince avec le Prélude et fugue n° 20 de Bach ! Néanmoins, on retrouve chez Kit Armstrong cette belle énergie qui prend appui sur le rythme et surtout cette clarté lumineuse des différentes voix et de leur dialogue. Le même épanouissement exalte le Prélude et fugue en la mineur. Dans la Sonate en trio n° 3 en ré mineur, les trois lignes mélodiques restent en permanence lisibles, la voix grave ponctuant le rythme à la manière du pédalier de l’orgue sur lequel cette partition est habituellement jouée.

Kit Armstrong dialoguant avec le public © Classictoulouse

Le retour vers les Musica Reservata (de la n° 8 à la n° 11), en deuxième partie de soirée, met en évidence les liens entre Ligeti et son compatriote Bartók, en particulier dès la n° 8. Curieusement, c’est à Messiaen que l’on pense avec le n° 9… C’est enfin à Bach de conclure le dialogue. Une quinzaine de Préludes de chorals établissent cette dualité entre la simplicité du thème du choral et l’ornementation qui le valorise. Une ornementation dont on peut soupçonner l’interprète d’en improviser judicieusement une bonne partie, comme cela résulte de la tradition baroque. Kit Armstrong souligne avec force le caractère spécifique de chaque pièce, de la méditation à la jubilation, en passant par la ferveur ardente. Cette succession résonne comme une vaste fresque à la gloire du Créateur, telle que Bach l’a si profondément célébrée.

Un bis obtenu à l’arraché par un public conquis change de répertoire. La Gigue de Mozart ainsi offerte conserve paradoxalement le caractère des gigues de Bach…

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