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En avant-première de la 7ème édition du Festival Musique en Chemin, avec la collaboration du Festival Radio France Occitanie Montpellier, l’abbaye de Flaran, dans le Gers, accueillait, ce 12 juillet dernier, deux institutions musicales de grand renom. L’ensemble vocal qui anime ce festival, La Main Harmonique, dirigé par Frédéric Bétous, invitait Les Sacqueboutiers, musiciens toulousains experts en matière de cuivres anciens. Réunis autour d’un projet stimulant de reconstitution d’un manuscrit inédit de la fin du XVe siècle, les deux ensembles avaient imaginé un programme de pièces vocales et instrumentales explorant la richesse des polyphonies de la Renaissance.

Le système de projection de la partition

– Photo Alain Huc de Vaubert –
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Les mélomanes curieux de musique ancienne, curieux de musique tout simplement, n’ont pas boudé le rendez-vous fixé dans la très belle église abbatiale de l’abbaye cistercienne de Flaran, joyau de l’art médiéval. Ils étaient conviés à la création et à la restitution de la très rare Messe « Scaramella » de Jacob Obrecht (1457-1505), parmi d’autres œuvres de la même époque, apothéose de ces polyphonies de la Renaissance.

La Messe « Scaramella » de Jacob Obrecht constitue le pivot de ce programme. « Scaramella », au moment des guerres d’Italie à la fin du XVe siècle, est un air célèbre décrivant un personnage va-t-en-guerre, un véritable « tube » dont Loyset Compère (c. 1445-1518) et Josquin des Prez (c. 1450-1521) signèrent chacun une mise en musique. C’est sur ces deux versions de cette chanson traditionnelle que s’ouvre le concert.

Les interprètes, rompus au style musical de ce répertoire, confèrent à ce « standard » son caractère populaire et plein d’une réjouissante vitalité.

Comme cela se pratiquait couramment à l’époque, le thème de cette chanson a servi de motif directeur à la composition d’une messe, inouïe à ce jour, du compositeur flamand Jacob Obrecht, l’un des plus renommés des compositeurs de messes en Europe à la fin du XVe siècle.

La source, malheureusement incomplète, de cette Missa Scaramella a été découverte à la Biblioteca Jagiellonska de Cracovie. Seules les parties d’altus et de bassus (parties graves) ont été conservées. Les parties de superius et de tenor (parties aigües) ont alors été restituées par Marc Busnel, musicologue et par ailleurs chanteur au sein de groupe de La Main Harmonique, dans le cadre du projet d’Atelier virtuel de restitutions polyphoniques du Centre d’études supérieures de la Renaissance de Tours.

En outre, Marc Busnel s’est attaché à reconstituer « physiquement » la partition, à la redessiner à la plume selon la notation originale de l’écriture et dans le grand format de l’époque.

Le musicologue et chanteur Marc Busnel et la partition reconstituée par ses soins

– Photo Alain Huc de Vaubert –

C’est autour de cette unique partition aux dimensions impressionnantes, transcrite sur un grand livre de chœur et disposée sur un haut lutrin, que les interprètes se réunissent. Les regards des chanteurs et des instrumentistes convergent tous vers cette véritable œuvre d’art graphique dont, suprême raffinement, une projection synchronisée sur la coupole de l’église permet l’aspect visuel à tout le public.

Comme en un rituel magique, Marc Busnel, qui dirige ici l’ensemble, vient périodiquement tourner les grandes pages de la partition en un geste à la fois solennel et esthétique. L’emploi des instruments à vents, en particulier le cornet à bouquin et la sacqueboute, pour soutenir les voix (col la parte), pratique très courante dans les musiques de la Renaissance et du début de l’époque baroque, renforce encore la beauté et la clarté de la polyphonie.

Ainsi se succèdent les épisodes traditionnels (les « ordinaires ») de cette étonnante Missa Scaramella de Jacob Obrecht. La fusion parfaite entre les voix et les instruments instaure une atmosphère hypnotique, grâce à une musique que l’on pourrait qualifier (anachroniquement) de planante, au-delà de sa relative austérité… De larges vagues sonores, parfaitement maîtrisées, viennent résonner sur les voûtes de la nef. La première partie de la soirée s’achève dans un recueillement raffiné.

L’ensemble des interprètes : chanteurs de La Main Harmonique et musiciens de l’ensemble de cuivres anciens de Toulouse, Les Sacqueboutiers – Photo Alain Huc de Vaubert –

La seconde partie revêt un tout autre caractère, témoignant ainsi de la richesse musicale de cette période historique. Les chanteurs et les musiciens sont cette fois tournés vers le public, chacun suivant sa propre partition. Les extraits de messe ou motets ainsi présentés possèdent des tonalités très diverses. Le Gloria « in modo tube » de Guillaume Dufay (1397-1474) réunit deux sopranos et deux trompettes naturelles. La savoureuse combinaison des timbres fait ici merveille. Un Salve Regina à 6 permet de retrouver Jacob Obrecht, le compositeur de la Missa Scaramella et son style parfaitement reconnaissable. Un autre grand tube de l’époque évoquant L’Homme armé, d’un auteur anonyme, introduit joliment l’une de ces pièces instrumentales colorées dans lesquelles excellent les musiciens des Sacqueboutiers : Alla bataglia, d’Heinrich Isaac (c. 1450-1517).

La soirée s’achève sur une très belle ode mariale : Ave Rosa Speciosa, à 6 voix, de Johannes Regis (c. 1425-1496). Une belle pièce d’un extrême raffinement.

L’accueil chaleureux du public ramène tous les interprètes dans le chœur de l’église pour un rappel dynamique de la fameuse chanson Scaramella, à l’origine de la messe éponyme, redevenue en une soirée le « tube » qu’elle fut jadis !

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