Festivals

Quatuor passion

Moins de deux ans après sa fondation, le Quatuor Zaïde a déjà acquis la réputation justifiée d’un ensemble de premier plan. Une collection de récompenses internationales enviées confirme le haut niveau d’exigence atteint par les quatre jeunes femmes qui composent ce quatuor. Pour la deuxième fois à Toulouse, ces musiciennes ardentes et motivées animaient la soirée du 20 juillet du festival Toulouse d’Eté dans le cloître des Jacobins.
Zaïde n’est autre qu’un singspiel inachevé que Mozart composa en 1780. Ce nom qualifie désormais un splendide quatuor à cordes féminin à la très attachante personnalité. Une première particularité saute aux yeux dès l’installation des musiciennes. Au lieu de la disposition traditionnelle qui distribue les instruments de gauche à droite, de l’aigu au grave, les deux violons encadrent les instruments graves, le violoncelle jouxtant le premier violon, l’alto le second violon. La deuxième particularité est l’engagement impressionnant que chaque membre manifeste à élaborer l’interprétation commune. Point de jeu « féminin », comme certains voudraient pouvoir le qualifier a priori. L’instrument à seize cordes que constitue le quatuor fonctionne ici avec une cohésion parfaite qui n’exclut pas une riche différenciation des timbres. C’est un vrai bonheur que d’observer Charlotte Juillard et Pauline Fritsch, violon, Sarah Chenaf, alto et Juliette Salmona, violoncelle conjuguer ainsi leurs talents au service d’un répertoire exigeant et si richement doté.

Les musiciennes du Quatuor Zaïde. De gauche à droite : Charlotte Juillard, violon,

Juliette Salmona, violoncelle, Sarah Chenaf, alto et Pauline Fritsch, violon

– Photo Classictoulouse –

Le programme de leur concert toulousain s’ouvre sur une première partie particulièrement contrastée. De Felix Mendelssohn, les trois premières pièces de l’opus 81, jouées d’abord, datent de la maturité du jeune compositeur et furent rassemblées par l’éditeur Julius Rietz. Dans l’Andante, qui alterne le calme aimable de la mélodie initiale et l’agitation fébrile du cœur du mouvement, les interprètes déploient une admirable vigueur. Le rythme léger et dansant du Scherzo qui évoque la grâce limpide de l’ouverture du Songe d’une nuit d’été du tout jeune Mendelssohn est bien marqué. Enfin, la rêverie nostalgique qui ouvre le Capriccio, est suivie d’un passage fugué que le drame n’épargne pas.

Avec Paul Hindemith, le modernisme de celui que les autorités nazies ont accusé de « … pervertir, de la manière la plus vile, la musique allemande » (!) éclate avec force. Son quatuor opus 22 (numéroté 3 ou 4 suivant les éditions) développe une énergie que les interprètes assument et développent avec vigueur et conviction. Sous leurs archets, le violent martellement qui marque le Scherzo « Rapide et très énergique » atteint un degré de sauvagerie inouï. La plainte, le désespoir nourrissent l’essentiel de cette partition qui mériterait une diffusion plus large. Merci au Quatuor Zaïde de s’engager ainsi dans cette voie.

L’emblématique quatuor n° 14 en ut dièse mineur de Beethoven occupe toute la seconde partie du concert. Cette partition, qui a d’ailleurs fait l’objet d’analyses détaillées de la part de Mendelssohn, est la plus élaborée, la plus riche, la plus complexe que Beethoven ait conçue pour cette formation. Achevé quelques mois à peine avant sa mort, ce chef-d’œuvre absolu est en réalité l’avant-dernier de ses quatuors. Dans les sept mouvements enchaînés sans interruption qui le composent, la modernité de l’écriture atteint un tel niveau que son héritage musical est à chercher dans les plus audacieuses compositions du 20ème siècle. Les jeunes musiciennes se lancent dans son exécution avec une passion sans limite, comme si leur vie en dépendait. Qu’on n’attende pas d’elles une interprétation « sage ». C’est de thèmes essentiels qu’il s’agit ici. L’énergie développée dans le Presto halluciné impressionne au plus haut point, comme une danse sur un volcan. La tension ne se relâche jamais jusqu’au triple accord final qui résonne alors comme une délivrance.

A ce grand moment, salué avec enthousiasme par le public de la salle capitulaire des Jacobins, succède un bis (l’andante d’un des derniers quatuors de Haydn) qui agit comme un baume apaisant. Un vrai bonheur !

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