Festivals

Nuit de folie lyrique

Les spectateurs de cette soirée se souviendront longtemps, à n’en pas douter, de la furia lyrique qui s’est emparée de cette représentation du Rigoletto verdien. Tout était réuni, il est vrai, pour que cette soirée ne soit pas comme les autres.

Vue d’ensemble de la mise en scène (Crédit photo : Philippe Gromelle Orange)

Et en premier lieu un temps idéal, ce qui ne fut pas le commun de cette 40ème édition des Chorégies ! Cela ne fait pas tout, d’accord, mais enfin. La production, qui fait appel à un plateau tournant rarement utilisé dans ce lieu, est signée Paul-Emile Fourny dans une scénographie et des costumes de Louis Désiré. Ce carrosse renversé, tour à tour cour ducale, demeure du bouffon ou bouge mal famé, est assez astucieux, sans appeler pour autant davantage de commentaires. Raymond Duffaut avait réuni pour l’occasion une distribution qui a joué le jeu à fond, offrant au public bien plus qu’il n’en rêvait. Reine de cette représentation, la soprano italienne Patrizia Ciofi déploie dans le rôle de Gilda une vocalité d’une merveilleuse fluidité. Sa voix, parfaitement homogène, illumine le ciel des Chorégies d’un aigu vertigineux d’aisance, de pose et de luminosité.

Patrizia Ciofi (Gilda) (Crédit photo : Christian Bernateau Orange)

Suprême musicienne, Patrizia Ciofi incarne jusqu’au pathétique cette jeune fille qui se sacrifiera pour un amour sans lendemain. Superbe !

Avec Leo Nucci, c’est l’une des légendes de l’art lyrique transalpin qui avait en charge le bouffon tragique. Le Rigoletto de ce baryton italien, aujourd’hui à l’aube de ses 70 ans (!), a fréquenté et fait frémir tous les théâtres d’opéra de la planète au cours d’une carrière exceptionnellement longue et intelligente qui lui permet encore d’imposer un personnage d’une violence incroyable. La voix est toujours là, pleine, chaude, couronnée par un aigu infernal d’impétuosité. Un phrasé parfaitement sous contrôle lui autorise un tutoiement quasi idéal avec la grande cantilène verdienne. Triomphe absolu pour ces deux interprètes qui, sur la lancée d’un duo vengeance tellurique, et à la demande pressante d’un public totalement sous le charme, ne l’ont pas bissé mais… trissé !

Du délire nous ramenant quelques dizaines d’années en arrière, époque à laquelle de nombreux airs et duos étaient bissés. De nos jours la règle générale veut que ce type de cadeau au public ne soit plus de mise, sous des prétextes dramaturgiques ou musicaux que l’on peut aisément comprendre. Mais dans le cadre d’un festival, au sens premier de ce terme, et dans la mesure où le public prenait autant de plaisir que les interprètes, pourquoi pas ? Qui plus est, ce duo clôture le deuxième acte, donc pas de rupture dramatique.

Tout cela laissait peu d’espace au Duc de Mantoue du ténor italien Vittorio Grigolo.

De gauche à droite : Leo Nucci (Rigoletto) et Vittorio Grigolo (Le Duc) (Crédit photo : Philippe Gromelle Orange)
 
Il a cependant tiré honorablement son épingle du jeu, grâce tout d’abord à un véritable engagement scénique de tous les instants et à une voix aux couleurs  séduisantes. Malgré un registre grave confidentiel, l’organe et le timbre n’en demeurent  pas moins plus qu’intéressants. Sachant confier sa ligne de chant à ce que le bel canto verdien a écrit de plus envoûtant, il impose son personnage, même s’il recule devant les deux suraigus, il est vrai ajoutés par la tradition (fin du duo avec Gilda et fin de sa cabalette du deuxième acte). La suite de la distribution ne démérite pas. Il en est ainsi de Mikhail Petrenko (Sparafucile), Marie-Ange Todorovitch (Maddalena), Cornelia Oncioiu (Giovanna), Roberto Tagliavini (Monterone), Stanislas de Barbeyrac (Matteo Borsa), Jean-Marie Delpas (Ceprano) et Armando Noguera (Marullo). Saluons également comme il convient les chœurs des opéras de régions (Avignon, Nice, Toulon et Tours).

Une partition partie prenante
Roberto Rizzi-Brignoli, maestro consacrant la quasi-totalité de son activité au répertoire italien, nous donne à entendre un Rigoletto très personnel. Les Toulousains connaissent bien ses étonnants partis-pris interprétatifs pour l’avoir déjà entendu diriger Le Barbier de Séville, Lucia di Lammermoor et Rigoletto. Grâce à un Orchestre national de France particulièrement virtuose, la partition verdienne nous apparaît tout à coup comme une partie prenante à l’action. Faisant fi de tempos entrés dans la mémoire collective, Roberto Rizzi-Brignoli donne un souffle dramatique incroyable, inouï, parfois à la limite du raisonnable, à cette musique. Prenant de saisissantes libertés, il accentue en le soulignant le drame inimaginable qui se trame dans le dos bossu du bouffon. Surprenant au début, puis finalement fascinant.

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