Festivals

Musiques en espace

Le 3 octobre dernier, le concert d’ouverture du 13ème festival Toulouse les Orgues convoquait les musiques des hautes heures de la basilique Saint-Marc de Venise. Giovanni Gabrieli, Claudio Monteverdi ont su, mieux que quiconque, intégrer la notion spatiale de cette sublime basilique dans leurs partitions destinées aux grandes fêtes liturgiques de la lagune. Le temps d’une soirée, les voûtes de la cathédrale Saint-Etienne se sont donc fait l’écho des résonances d’une époque dorée, ce tournant des 16ème au 17ème siècles, stratégique pour l’évolution de l’art des sons.

L’Académie baroque européenne d’Ambronay, sous la direction de Jean Tubéry en la

cathédrale Saint-Etienne de Toulouse
(©P.Nin)

Pour faire vivre ce riche répertoire, Toulouse les Orgues, en partenariat avec Odyssud, avait invité les jeunes chanteurs et instrumentistes de la 15ème Académie baroque européenne d’Ambronay, tous placés sous la direction de Jean Tubéry, le talentueux fondateur de l’ensemble La Fenice, dans un programme intitulé “Trionfi sacri”. Ces onze chanteurs, ces vingt-six musiciens investissent leur haut niveau artistique et leur évidente passion dans la célébration de ces vastes productions qui ont changé la face du monde de la musique.

Respectant la tradition vénitienne de ces fêtes liturgiques, une procession menée par les « trompettes d’argent » conduit les interprètes sur le podium central de la cathédrale.

Aussi bien pour les extraits de la « Missa in illo tempore » de Claudio Monteverdi que pour les divers recueils de motets, canzone et madrigaux de son prédécesseur Giovanni Gabrieli, Jean Tubéry choisit de respecter la dispersion spatiale des différents chœurs qui occupent ainsi tout le volume de la nef primitive de la cathédrale. Se répartissant en deux, trois, quatre ou même cinq groupes vocaux et instrumentaux, les interprètes s’appellent, se provoquent, se répondent. Les échanges prennent par instants la forme d’échos multiples. La musique y puise une vie, une vibration, une richesse de couleurs, de timbres dont bien des compositeurs ultérieurs feront leur miel (Berlioz et Verdi notamment dans leur Requiem respectif !)

Certes, les déplacements fréquents des musiciens et des chanteurs d’une tribune à l’autre prennent l’allure d’une migration saisonnière qui fragmente le déroulement du spectacle. Les effets lumineux un peu puérils qui les accompagnent n’arrange rien.

Mais l’occupation idéale de l’espace par la musique est à ce prix. Elle constitue un élément important de l’appréhension des œuvres, au même titre que l’harmonie et le rythme. Soutenues par la grande qualité des tous les jeunes interprètes, les pièces qui se succèdent, célestes ou dynamiques, donnent un délicieux vertige.

Un grand bravo à tous les participants et à l’architecte en chef de cette cathédrale sonore, Jean Tubéry.

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