Festivals

L’orgue-orchestre

Depuis longtemps, le festival Toulouse les Orgues nous guide sur des chemins de traverse, dévoile ainsi des paysages inattendus, originaux, multiplie les associations iconoclastes, les expériences créatives. Cette 16ème édition ne déroge pas à la tradition. Le 12 octobre dernier, le public était invité à une expérience de la démesure. Le grand organiste britannique David Briggs, qu’aucun défi ne rebute, s’est lancé dans la transcription pour son instrument de grandes pages symphoniques. Il présentait ainsi à Toulouse, sur l’orgue Cavaillé-Coll de la basilique Saint-Sernin, sa propre version de la monumentale troisième symphonie de Gustav Mahler.
Cette quatrième exécution de l’incroyable transcription bénéficiait en outre d’une retransmission sur grand écran du travail de l’interprète aux claviers et au pédalier de ce magnifique instrument. Les spectateurs rassemblés dans la basilique ont ainsi pu apprécier à sa juste valeur la complexité du travail de l’interprète, y compris son aspect sportif, aux commandes d’une fantastique machine.

La transcription reste une activité musicale proche de la composition. Dans une passionnante réflexion sur cet art authentique, publiée dans le programme de la soirée, David Briggs revient sur l’histoire de cette pratique. Il évoque à juste titre les transcriptions par Liszt pour le piano des symphonies de Beethoven ou, à l’inverse, la célèbre version orchestrale signée Ravel de l’original pour piano de Moussorgski, « Les Tableaux d’une exposition ». Il définit parfaitement le caractère fondamental de cette pratique séculaire : « Une transcription est évidemment, par nature, une sorte d’illusion et doit sonner juste dans sa nouvelle forme. Une transcription peu réussie ou mal jouée peut se transformer en une parodie de l’original. Une bonne transcription bien exécutée peut cependant nous faire mieux accéder au message musical, nous pouvons l’entendre d’une autre oreille… »

David Briggs sur l’écran de la basilique Saint-Sernin
– Photo Classictoulouse –

Lorsqu’une troisième main s’avère nécessaire… – Photo Classictoulouse –

Sa transcription de la vaste 3ème symphonie de Mahler obéit à ses propres principes. L’œuvre originale exalte un panthéisme multiforme. Le dieu Pan, les fleurs de la prairie, les animaux de la forêt, les hommes, les anges et finalement l’amour y composent une fresque en forme de trajectoire ascendante irrésistible. L’orgue de David Briggs se démultiplie au-delà de ce que l’on pourrait imaginer. Le jeu des timbres et des registres, toutes les possibilités offertes par le Cavaillé-Coll de Saint-Sernin sont exploités au maximum. La contribution de deux aides, de part et d’autre de l’interprète, n’est en rien superflue.

Dans le premier mouvement (L’éveil de Pan), le plus complexe, le transcripteur-interprète fractionne l’instrument unique de manière inattendue, à la limite de ce qui est possible. L’image de son jeu, tel que le retransmet le dispositif vidéo, permet de mieux structurer ce que perçoit l’oreille. La virtuosité de David Briggs au pédalier est sidérante ! Tous les « petits » mouvements qui suivent sont admirablement caractérisés. En particulier la 4ème section, « Ce que me content les hommes », ce « Chant de minuit » tiré du Zarathoustra de Nietzsche, semble suspendu entre ciel et terre. Enfin, le dernier mouvement, « Ce que me conte l’amour », immense prière en forme de choral, colle au plus près de la spiritualité de l’œuvre.

Une belle ovation salue la performance de l’organiste autant que celle du transcripteur. Le défi est relevé avec panache.

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