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L’été musical du Festival de Toulouse

De gauche à droite : Thierry Huillet, Julie Depardieu, Clara Cernat et Julien Martineau - Photo Classictoulouse –

Les manifestations musicales, poétiques et riches en confrontations de styles du nouveau Festival de Toulouse se multiplient sur les divers sites de plein air. La plupart d’entre elles se déroulent dans le cadre bucolique du Jardin Raymond VI. La Prairie des Filtres accueillera, le 16 juillet, une véritable nuit de la musique réunissant des artistes de tous horizons. En attendant, l’originalité est au programme des événements les plus divers.

Il était une fois…

Le deuxième des rendez-vous sous les étoiles s’est finalement déroulé… sous un soleil éblouissant ! Le dimanche 10 juillet à 11 h de la matinée, le Jardin Raymond VI, aménagé en théâtre de verdure, accueillait le premier conte musical de la série des spectacles programmés en ce lieu inhabituel. Les marches qui conduisent vers la rive gauche de la Garonne composent un amphithéâtre destiné à recevoir un public heureux de permettre aux jeunes enfants de participer. Et ils sont nombreux à investir ce théâtre de plein air stratégiquement situé entre le musée d’Art moderne Les Abattoirs et la Garonne. En ouverture du spectacle, Nicole Yardeni, déléguée aux relations avec les acteurs culturels, et Julien Martineau, en charge de la programmation, présentent les principaux événements de ce nouveau Festival de Toulouse.

La présentation du Festival de Toulouse : Nicole Yardeni (Relations avec les acteurs culturels), Julien Martineau (mandoliniste et organisateur des événements du festival) – Photo Classictoulouse –

Ce jour-là, les nombreux spectateurs assistent à la présentation d’un conte musical original sur un texte de la violoniste et altiste Clara Cernat et une musique de son époux, le grand compositeur et pianiste Thierry Huillet. Sous le titre énigmatique, La Mandoline de Lviv, ce récit poétique évoque la cité ukrainienne de Lviv dont le nom changea au cours des vicissitudes de l’histoire (elle fut successivement Lemberg, Lwów, Lvov…). Conçu avant les événements tragiques que nous connaissons, ce conte décrit un dialogue émouvant entre un chapeau autoritaire et une mandoline pleine de tendresse, bientôt rejoints par un violon nostalgique.

Si son premier chapitre a été créé sur France Musique en mai 2021, La Mandoline de Lviv prend aujourd’hui une tournure tristement prémonitoire. Cette création mondiale porte néanmoins un message d’espoir énoncé vers la fin de l’œuvre par cette réplique : « La musique peut nous rendre heureux, mais lorsqu’elle se tait c’est un mauvais présage : c’est la fin d’un monde ! Heureusement, comme le printemps, elle revient toujours panser les plaies des cœurs et embellir la vie ».

Dès la première phrase de ce conte musical, on se laisse envoûter par les secrets d’une vieille demeure en Ukraine qui, dans son grenier, cache les souvenirs lumineux d’un truculent chapeau tatar ou douloureux d’une mandoline italienne, puis ceux d’un précieux violon de Bohème. Autant d’émotions qui ont traversé les siècles des hommes et les destins des empires, de Gengis Khan aux soubresauts du XXIᵉ siècle…

Les artiste au salut final – Photo Classictoulouse –

Ce récit est délivré avec une science et une sensibilité admirables par Julie Depardieu. La comédienne réalise là une véritable performance d’adaptation vocale aux trois personnages (quatre avec les propos du récitant) : l’autorité bougonne du chapeau, la tendresse touchante de la mandoline, la fièvre nostalgique du violon.

La musique de Thierry Huillet épouse avec passion et finesse le récit qu’elle commente. On le sait bien, l’écriture du compositeur mêle richesse mélodique et harmonique avec un sens du rythme d’une belle vitalité. Le style s’adapte subtilement au contenu poétique, comme l’évocation par le violon du répertoire klezmer qui fut le sien. La virtuosité pianistique du compositeur trouve chez Clara Cernat et Julien Martineau une complicité exemplaire. On admire autant l’énergie du jeu de la violoniste que la dentelle musicale qui émane de celui du mandoliniste. Soulignons en outre la belle articulation entre le texte et la musique.

Largement applaudie par le public, les interprètes reprennent le final heureux de cette belle pièce.

Le chant des oiseaux

C’est au coucher du soleil que la soirée du 12 juillet s’est déroulée. La chaleur n’en a pas pour autant déserté ce beau jardin Raymond VI qui recevait ce soir-là un quatuor d’artistes aux talents complémentaires.

Tous les mélomanes toulousains se réjouissaient d’accueillir la grande violoniste Geneviève Laurenceau qui occupa le poste stratégique de premier violon super-soliste de l’Orchestre national du Capitole pendant dix années consécutives. Ayant rejoint ses terres alsaciennes où elle dirige son cher festival de musique d’Obernai, Geneviève Laurenceau mène en outre une belle carrière de violoniste soliste.

La pianiste d’origine serbe Lidija Bizjak partage avec elle le vaste programme musical de cette soirée. A la suite de ses études au Conservatoire de Belgrade, la musicienne a intégré le Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où elle a travaillé avec Jacques Rouvier. Elle y a obtenu le Premier prix de piano en 1998.

Ce soir du 12 juillet, les deux musiciennes partagent cette rencontre sous les étoiles avec deux personnalités inclassables qualifiées, à défaut de terme académique certifié, de chanteurs d’oiseaux. La présence dans ce beau jardin de Jean Boucault et Johnny Rasse ne saurait être plus légitime. Ces deux personnages aux performances exceptionnelles pratiquent comme personne les chants d’oiseaux. Non contents d’imiter à merveille le langage musical de nos amis à plumes, ils en adoptent certains de leurs comportements. Alors que se font entendre dans le jardin certains chants de véritables oiseaux, les interventions des deux complices viennent se mêler au programme musical du duo violon-piano.

De gauche à droite : la pianiste Lidija Bizjak, la violoniste Geneviève Laurenceau, les chanteurs d’oiseaux, Jean Boucault et Johnny Rasse
– Photo Classictoulouse –

Tantôt alternant avec les pièces choisies et jouées par Geneviève Laurenceau et Lidija Bizjak, tantôt s’y superposant, Jean Boucault et Johnny Rasse insèrent leurs performances vocales dans un scénario que l’on pourrait qualifier de « comportemental ». On assiste alors à quelques scènes touchantes de séduction, mais aussi à quelques défis avec ou sans vainqueur !

Le programme musical se marie subtilement avec les chants d’oiseaux, et reste lié à la nature et à la dramaturgie du spectacle. La variété des œuvres couvre un répertoire d’un belle richesse. De Bartók à Saint-Saëns, tous les styles sont abordés avec le grand talent des deux musiciennes. La qualité de la sonorisation (indispensable dans ce lieu de plein air) permet d’apprécier la fluidité du toucher de la pianiste ainsi que la richesse et la rondeur sonore de la violoniste dont la virtuosité toujours parfaitement musicale, s’adapte à l’ensemble du large répertoire abordé ici. De Béla Bartók à Robert Schumann, d’Enrique Granados à Erik Satie, de Piotr Illich Tchaïkovski à Fritz Kreisler, le programme musical se conclut sur un bis inévitable, Le Cygne, extrait du Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saëns. Notons que la Danse Macabre, du même Saint-Saëns, n’a pas manqué de susciter l’intérêt d’un public conquis.

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