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L’Espagne s’invite à Toulouse d’été

Alors que se succèdent les concerts de cette première partie classique du festival, l’un des moments forts de la semaine a fait appel à l’Orchestre national du Capitole et s’est déroulé exceptionnellement à la Halle aux Grains. C’est au jeune chef français Pierre Dumoussaud qu’est confiée la direction de la formation symphonique toulousaine pour ce concert consacré à des musiques teintées d’hispanisme. A côté de compositions authentiquement espagnoles de Joaquin Rodrigo et Manuel de Falla, figuraient au programme des pièces signées du Français Emmanuel Chabrier et de l’Argentin d’origine toulousaine Carlos Gardel. Le célèbre Concierto de Aranjuez, pour guitare et orchestre, de Rodrigo, joué en soliste par le jeune musicien d’origine franco-espagnole, Thibaut Garcia, a concentré toute l’attention d’un nouveau public.
Bassoniste de formation, comme l’un de ses mentors Marc Minkowski, Pierre Dumoussaud, à peine 26 ans, est titulaire du prix des « Talents Chefs d’Orchestre 2014 » de l’ADAMI, fondateur de l’Ensemble Furians, constitué de jeunes musiciens passionnés, et assistant de l’Opéra National de Bordeaux depuis la saison 2014-2015. Sa direction ferme se manifeste à la tête de l’Orchestre national du Capitole avec une première pièce d’inspiration espagnole du très français Emmanuel Chabrier. Sa Habanera, originalement composée pour piano en 1888 et transposée pour orchestre l’année suivante, donne le ton de cette soirée inspirée par l’hispanisme. L’orchestre en colore les accents et souligne le rythme chaloupé de cette danse cubaine si prisée en cette fin de 19ème siècle.

Thibaut Garcia et Pierre Dumoussaud pendant l’exécution du Concierto de Aranjuez

– Photo Classictoulouse –

Le Concierto de Aranjuez, composé en 1939, lors de la dernière année du séjour à Paris du compositeur, n’est que le premier d’une série de cinq concertos pour guitare. Il reste néanmoins de loin le plus célèbre et celui qui a suscité le plus grand nombre d’adaptations ou de transpositions. La « version » jazz du trompettiste Miles Davis a marqué les esprits. Ce concerto est joué ici dans sa version originale par le jeune prodige de la guitare, Thibaut Garcia. Ayant débuté la guitare à l’âge de sept ans, Thibaut Garcia a étudié au Conservatoire de Toulouse avant de rejoindre, à 16 ans, le Conservatoire de Paris où il a obtenu ses prix avec les félicitations du jury. A peine âgé de 22 ans, il est filleul de l’Académie Charles Cros et son palmarès comporte pas moins de six premiers prix de concours internationaux. Discrètement et efficacement amplifiée (une opération nécessaire afin de réaliser un bon équilibre sonore entre l’instrument soliste et l’orchestre) sa guitare distille toute les subtilités musicales de la partition. S’il ouvre l’œuvre par un solo plein d’autorité, Thibaut Garcia en traduit avec finesse et sensibilité toute la poésie. L’Adagio, le mouvement le plus populaire et le plus intense, incarne bien ici ce dialogue entre la guitare et quelques instruments solo de l’orchestre comme le basson, le hautbois, le cor et surtout le splendide cor anglais de Gabrielle Zaneboni. La cadence de ce volet central constitue l’un des moments forts de l’interprétation du jeune guitariste.

La remise du Prix Filleul de l’Académie Charles Cros à Thibaut Garcia par Alain Lacroix

– Photo Classictoulouse –

Son succès auprès du public l’amène à offrir un bis original et coloré. Il s’agit de deux mélodies traditionnelles catalanes transposées pour la guitare par le compositeur barcelonais Miguel Llobet.

A l’issue de sa prestation, Thibaut Garcia se voit remettre son prix « Filleul de l’Académie Charles Cros 2015 » des mains d’Alain Lacroix, directeur du festival Toulouse d’Eté et membre éminent de cette prestigieuse Académie.

La seconde partie de soirée s’ouvre sur deux tangos du célèbre Toulousain adopté par l’Argentine, Carlos Gardel. Golondrinas et Por una cabeza reçoivent l’apport indispensable de deux bandonéons. L’alto solo et le cor solo s’y taillent un franc succès, au sein d’un orchestre qui arbore couleurs et rythmes porteños.

Le retour en Espagne prend enfin l’intense poésie de l’une des plus célèbres partitions de Manuel de Falla, le ballet-pantomime L’Amour sorcier (titre original El amor brujo), dans sa version pour orchestre symphonique. Les couleurs nocturnes, la succession des épisodes contrastés, la dramatique progression, de la sombre menace vers la lumière matinale du final, construisent une exécution généreuse et bien structurée. La célébrissime Danza ritual del fuego (Danse rituelle du feu) arrache une salve d’applaudissements au beau milieu de l’exécution…

Les multiples rappels du public ramènent Pierre Dumoussaud sur le podium pour deux bis : une ouverture de Carmen, image importée de l’Espagne, et une nouvelle incursion dans le monde du tango. Viva España !

Rappelons que le dernier concert du volet classique de Toulouse d’Eté aura lieu à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines le 26 juillet prochain. Il recevra la jeune soprano montalbanaise Anaïs Constans dans un florilège des Chants d’Auvergne de Joseph Canteloube, dans sa version orchestrale, avec l’Orchestre de Chambre de Toulouse dirigé par Gilles Colliard.

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