Festivals

Le talent au bout des doigts

Il n’a pas encore vingt-six ans et sa personnalité affirmée, sa maturité sans complexe impressionnent et lui attirent les succès les plus mérités. David Kadouch, élève de Jacques Rouvier au CNSM de Paris, puis de Dimitri Bashkirov à Madrid joue, à l’âge de 13 ans, sous la direction d’Itzhak Perlman, au Metropolitan Hall puis au Carnegie Hall de New York. A 14 ans, il est invité à se produire dans la salle Bolchoï du Conservatoire Tchaïkovski de Moscou. Ce musicien authentique était l’hôte de Piano aux Jacobins le 22 septembre dernier.
Un changement dans le programme initialement prévu ouvre le récital sur les saisissantes Variations sur « Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen » composées vers 1862 par Franz Liszt, probablement à la suite de la mort de sa fille Blandine. Cette grande pièce, dont Liszt réalisera un an plus tard une version pour orgue, tient une place à part dans la production virtuose du pianiste compositeur. David Kadouch en expose la douleur profonde sans recours à un pathos excessif. L’incroyable chromatisme de la partition, exacerbé jusqu’aux limites de l’atonalisme, porte en lui cette souffrance lancinante. La modernité du langage, les couleurs sombres, l’aspect presque improvisé de certains passages donnent le vertige. D’autant plus que l’interprète s’y investit de tout son corps, tendu et énergique, totalement sincère. La profondeur de son toucher, son utilisation de la pédale, y suscitent des sonorités d’orgue. L’éblouissant final retrouve la sérénité de la franche tonalité à travers le choral original de Bach. Comme une trouée de lumière dans la tourmente, la paix retrouvée.

Le jeune pianiste David Kadouch lors de son récital
le 22 septembre 2011 au cloître des Jacobins
(Photo Jean-Claude Meauxsoone)

Les deux préludes de Debussy qui suivent prolongent en quelque sorte le chromatisme de Liszt. Dans « Les fées sont d’exquises danseuses », extrait du livre II, David Kadouch joue la vivacité délicieuse et subtile de cette écriture. L’opposition des deux mains remplit parfaitement son rôle d’évocation fugace et insaisissable d’un mouvement de danse. Le chromatisme, encore lui, nourrit « Ce qu’a vu le vent d’ouest », évoquant rafales et même tempêtes que l’interprète déchaîne avec une vigueur bienvenue.

Nettement moins connue, l’œuvre de Sergei Taneyev mériterait un meilleur sort. Ce pédagogue apprécié (Scriabine et Rachmaninoff furent ses élèves) sait aborder le piano de manière très originale. Le Prélude et Fugue que joue David Kadouch oppose ses deux volets de manière frappante. A l’étrange nostalgie du Prélude succède une Fugue boulimique, furieuse qui s’apparente à une toccata enflammée.

Le pianiste nous entraîne enfin dans l’éblouissante visite de musée que Moussorgski a mis en musique en hommage à son ami le peintre Victor Hartmann, « Les Tableaux d’un Exposition ». Cette puissante fresque pour piano, éclatante de couleurs, souffre paradoxalement de la concurrence de la géniale orchestration qu’en a réalisée Ravel. La version originale ne manque pourtant ni de relief, ni de contrastes colorés. David Kadouch assume brillamment ces deux caractères. Il aborde la fameuse Promenade avec une bonhomie réjouissante, comme pour une visite en famille, et caractérise fortement chaque tableau. L’élégie grave de « Il vecchio castello » ou de « Catacombae » s’oppose ainsi à la vivacité légère de « Les Tuileries » ou du « Ballet des poussins dans leur coque », mais aussi à la force irrésistible de « Bydlo » ou de la fantasque « Cabane sur des pattes de poules ». L’apothéose finale de « La grande porte de Kiev » conclut la visite sur un éblouissant feu d’artifice. L’énergie déployée par le pianiste confère un relief étonnant à cette interprétation qui reçoit une véritable ovation.

Deux Préludes de Chostakovitch et le dernier Nocturne, en ut dièse mineur, de Chopin prolongent la soirée et confirment l’authenticité du talent d’un jeune musicien en plein épanouissement artistique.

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