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Le cœur du classicisme

Le troisième rendez-vous des Rencontres des Musiques Anciennes d’Odyssud-Blagnac renouait, ce 10 avril,  avec la période dorée du classicisme viennois. Et plus particulièrement avec le couple de compositeurs qui a marqué son époque : Joseph Haydn et Wolfgang Amadeus Mozart. Une « mise en bouche » particulière introduisait les deux partitions majeures de la soirée. Carte blanche était ainsi donnée à l’Ensemble Baroque de Toulouse jouant sur instruments « historiques » sous la direction de Michel Brun, et à Yasuko Bouvard accompagnée de son splendide pianoforte Christopher Clarke.

L’Ensemble Baroque de Toulouse dirigé par Michel Brun
– Photo Classictoulouse –

Une présentation particulièrement bien ciblée de Jean-Christophe Maillard, enseignant-chercheur à l’Université de Toulouse Le Mirail, remet en situation le programme de la soirée. La première partie de ce programme illustre brillamment la période « Sturm und Drang » (Tempête et Passion) dont le Werther de Goethe constitue l’emblème littéraire. Haydn a été fortement influencé par ce courant et quelques unes de ses symphonies en constituent le reflet évident. Mais ce mouvement initiateur de ce qui sera le romantisme, quelques décennies plus tard, a débordé du monde germanique. A preuve la première partition inscrite au programme de ce concert. Il s’agit en l’occurrence de la Symphonie n° 2 d’un certain Pierre-Hyacinthe Azaïs, compositeur hélas un peu oublié de notre région. Comme l’indique Jean-Christophe Maillard, ce natif de Sorèze a longtemps exercé ses activités musicales à Toulouse et à Sorèze, mais également à Paris, et développé quelques activités en philosophie. Il fut notamment un adepte de la Théorie des Compensations qui n’eut que peu de suite. Influencé par le mouvement « Sturm und Drang », Azaïs a composé une série de symphonies dont la deuxième en sol mineur, que l’Ensemble Baroque de Toulouse nous permet ainsi de découvrir. Le souvenir de Gossec, compositeur majeur de la période révolutionnaire, n’y est pas absent. Les quatre mouvements obéissent strictement à la forme classique, mais si l’harmonie ne ménage pas de grandes surprises, l’expression, par moment un peu dépressive, semble bien liée à l’humeur du moment. De belles couleurs sont apportées par les deux flûtes et les deux cors qui épicent la polyphonie des cordes.

Yasuko Bouvard, painoforte, et l’Ensemble Baroque de Toulouse dirigé par Michel Brun dans le concerto n° 20 de Mozart
– Photo Classictoulouse –

Avec la symphonie n° 44 en mi mineur, dite « Trauer symphonie » (Symphonie funèbre), composée en 1870-71 par un Joseph Haydn en pleine maturité, on franchit un pas vers l’imagination créatrice. Assez peu imprégnée de l’humour qui caractérisera plus tard la musique de ce grand inventeur de formes musicales, cette partition développe un discours dramatique et intense. Après l’Allegro con brio initial, dont la direction de Michel Brun souligne avec finesse la fébrilité, le Menuetto relâche un peu la tension. L’Adagio, que Haydn souhaitait que l’on joue pour ses propres funérailles, distille une étrange sérénité, avant un final Presto qui retrouve l’agitation du début.

La seconde partie de la soirée est consacrée au sublime concerto n° 20 en ré mineur de Mozart, expression extrême d’un exceptionnel génie. Plus de galanterie ni de joliesse dans cette partition dramatique et profonde. On retrouve avec bonheur la soliste Yasuko Bouvard et son merveilleux pianoforte. Le jeu simple, rigoureux de la soliste, mais ô combien coloré, vif et subtil délivre son message avec intensité : doigté plein d’alacrité et de finesse dès les premières mesures de l’Allegro, nuances subtilement suggérées sans excès de contrastes. Dans la Romance, Yasuko Bouvard prend toute la mesure du drame qui se joue dans la partie centrale de cette méditation. Elle attaque le final Rondo – Allegro assai avec toute la détermination nécessaire, initiant ainsi un dialogue fructueux avec l’orchestre dont les instruments à vent ont la part belle. Notons que la soliste n’hésite pas à introduire ses propres cadences en lieu et place de celles que d’autres compositeurs (dont Beethoven !) ont écrites pour ce concerto. Des cadences pleines d’imagination et parfaitement intégrées dans le discours mozartien.

L’Andante de la sonate « Facile » KV 545, toujours de Mozart, prolonge ce climat de grâce et d’élégance.

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