Festivals

Le chœur à l’est

C’est à un beau voyage musical que Toulouse d’Eté nous invitait à participer, ce 27 juillet dernier. Sans quitter le mythique cloître des Jacobins, le chœur de chambre « les éléments » conviait son public à une visite des riches cultures de l’est de l’Europe, de l’Allemagne à la Russie en passant par la Bohème, la Hongrie et la Roumanie.

Invité par Alain Lacroix, le célèbre chœur que dirige Joël Suhubiette trouve, dans l’environnement très particulier de la salle capitulaire des Jacobins, une acoustique parfaitement adaptée à la voix. Une fois de plus, l’ensemble toulousain justifie pleinement sa réputation de qualités sonores et de musicalité admirables. Une précision parfaite, une absolue justesse, une dynamique impressionnante confèrent à ce programme original une vitalité et un relief qui parlent immédiatement à la sensibilité de chaque auditeur.

Le Choeur de Chambre “les éléments”, dirigé par Joël Suhubiette
– Photo Classictoulouse –

La première partie de la soirée rend hommage au chant romantique allemand. Elle s’ouvre sur l’incursion purement pianistique intitulée « Mélodie hongroise en si mineur » du tendre Schubert, poétiquement jouée par Corinne Durous qui accompagne le chœur dans la suite du concert. Avec l’enivrant « Zigeunerleben » (Vie tzigane), pour chœur et piano de Robert Schumann, l’ensemble vocal exalte la spontanéité un peu sauvage, la profonde liberté, la fantaisie sans limite du compositeur. La direction à la fois précise et souple de Joël Suhubiette fait merveille.

Johannes Brahms constitue l’autre face de cette évocation germanique du monde du voyage. Deux chants populaires harmonisés par le compositeur utilisent un chœur de solistes. L’occasion de constater les grandes qualités individuelles des membres de l’ensemble. Les onze « Zigeunerlieder » (Chants tziganes), du même Brahms déploient toute une palette expressive. De la nostalgie troublante de « Hochgetürmte Rimaflut » (Flots impétueux de la Rima) à l’ardeur amoureuse de « Rote Abendwolken » (Rouges nuages du soir), en passant par la tendre évocation de « Kommt dir manchmal in den Sinn » (Te vient-il souvent à l’esprit), les contrastes sont admirablement soulignés par les interprètes, sans excès, mais avec toute la force nécessaire.

Changement d’atmosphère pour la seconde partie qui étend son programme vers l’est de l’Europe. La version pianistique des fameuses « Danses roumaines » de Bela Bartók ouvre l’exploration qui emprunte ensuite les chemins de Bohème, avec les « Quatre chansons populaires » op. 20 d’Antonin Dvořak : richesse savoureuse des harmonies. Avec les quatre chants paysans russes intitulés « Soucoupes », Igor Stravinski retrouve ses racines profondes. « les éléments » en donnent une lecture d’une saisissante perfection rythmique et expressive. La sensibilité sélective, si touchante, de Bartók s’épanouit dans les « Trois chants slovaques » qui précèdent cinq pièces étonnantes du Hongrois György Ligeti. Le chœur a cappella y prend d’étranges couleurs, par instants instrumentales. Etrange et belle évocation de la nuit, ardeur éclatante de celle du matin. Joël Suhubiette obtient de ses chanteurs un parfait équilibre des voix, une incroyable subtilité, une réactivité absolue. L’ovation que lui réserve le public vient légitimement récompenser le magnifique travail mené par ce très bel ensemble.

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