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La voix du sourire

La jeune soprano montalbanaise Anaïs Constans était la soliste très attendue du concert donné le 21 juillet dernier dans le cadre du festival Toulouse d’été, 12ème du nom. Brillamment accompagnée par l’Orchestre de Chambre de Toulouse dirigé par Gilles Colliard, cette belle lauréate de nombreux concours a révélé un talent, un art du chant, des qualités vocales et expressives de tout premier plan qui ont enthousiasmé un public conquis.
Le directeur du festival Toulouse d’Eté, Alain Lacroix, a réalisé là un choix particulièrement heureux. Inviter ainsi une jeune artiste en pleine ascension, en plein épanouissement, procède d’une fonction aussi bénéfique qu’indispensable. Les nouveaux talents nourrissent l’avenir de la musique. Il est vrai que le palmarès d’Anaïs Constans a de quoi impressionner. Originaire de Montauban, la jeune soprano reçoit le prix du public au Concours International de Chant de Toulouse 2012. La même année, elle est récompensée par le 1er Prix Mélodie française et le 2ème Prix Opéra au Concours International de Marmande. En 2013, elle remporte le 1er Prix et le Prix Jeune Espoir au Concours international de Macon, puis en 2014, le 3ème Prix au prestigieux Concours international Operalia, présidé par Plácido Domingo à Los Angeles, ainsi que le 3ème Prix ex-aequo au Concours international de Saragosse, présidé par Montserrat Caballé. En 2015, elle est nommée Révélation artiste lyrique aux Victoires de la musique classique et obtient le Prix du lied et de la mélodie française au Concours musical international de Montréal.

La soprano Anaïs Constans et l’Orchestre de Chambre de Toulouse dirigé par

Gilles Colliard – Photo Classictoulouse –

En outre, les qualités de cette jeune artiste ne cessent de s’affirmer. Si l’on se souvient de sa belle prestation lors de la finale du Concours de Chant de Toulouse 2012 (notamment dans l’air de Leïla de l’ouvrage de Georges Bizet, Les Pêcheurs de perles) comment ne pas constater l’évolution positive de sa voix et de son chant. Le timbre s’est affirmé, la projection impressionne par son ampleur, l’homogénéité des registres s’avère aussi parfaite que son sens de la dynamique. Son art ne se cantonne pourtant pas dans une sorte de perfection vocale. Sa parfaite diction (en italien comme en allemand), la longueur de son souffle, son sens des nuances lui permettent d’habiter les rôles, ici mozartiens, qu’elle aborde avec conviction et sensibilité et qu’elle présente elle-même avec simplicité et humour.

Ce soir-là, ses interventions investissent un répertoire rarement donné lorsqu’il s’agit de Mozart, celui des arias de concert et de quelques airs extraits d’ouvrages peu fréquemment offerts datant de la jeunesse du compositeur (mais Mozart a-t-il composé des œuvres qui ne soient pas de sa jeunesse ?). Dans le « Konzertaria » KV 83 « Se tutti mali miei », qui ouvre la soirée, la douleur s’exprime avec un éclat de diamant. L’air d’Ismene, extrait du Mitridate, re di Ponto, met en évidence la joyeuse virtuosité de l’interprète, son agilité et l’absolue sûreté de ses aigus. Le même sens de la prosodie, sa présence dramatique se déploient sans effort dans l’air d’Aminta « Aer tranquillo », du juvénile Il Re Pastore.

Un sommet de pure beauté musicale, de sensibilité et d’émotion est atteint dans l’air « Ruhe sanft » extrait de Zaide. Anaïs Constans est ici habilement soutenue, comme en un duo vocal, par la mélodie joliment phrasée du hautbois solo Raphaël Cohen. Un rêve que la cantatrice devra d’ailleurs chanter de nouveau en guise de bis pour le plus grand plaisir du public sous le charme.

L’Orchestre de Chambre de Toulouse dirigé par Gilles Colliard

– Photo Classictoulouse –

L’infidélité des hommes, thème de l’air de concert «Voi avete un cor fedele», offre à Anaïs Constans la possibilité de déployer ses talents de comédienne. Son sourire «passe» aisément dans sa voix. Le bonheur de chanter se manifeste ici encore avec éclat.

Entretemps, l’Orchestre de Chambre de Toulouse, au mieux de sa forme, met habilement en parallèle Mozart et Haydn. Sous la direction acérée et précise de Gilles Colliard, il offre une version tonique et poétique de la Symphonie n° 1 de l’enfant Mozart qui, du haut de ses sept ans et demi, émerveille le monde musical. Comme le signale Gilles Colliard, on reste ébahi devant cette succession d’accords suspendus qui habitent le mouvement lent.

Enfin, un hommage est légitimement rendu à ce bon « Papa Haydn » sans qui la musique ultérieure serait différente. Sa symphonie no 44 en mi mineur, surnommée Trauer (funèbre), a été composée par Joseph Haydn entre 1770 et 1771. Son sous-titre exprime simplement le vœu du compositeur de voir jouer son Adagio lors de ses propres obsèques. Le Presto final n’en exprime pas moins une furieuse envie de vivre ! Gilles Colliard insuffle une énergie souriante aux cordes de l’OCT, auxquelles se joignent ce soir-là deux hautbois et deux cors de talent.

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