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La Truite revigorée

La 14ème édition du festival Toulouse d’Eté s’annonce comme une fête de toutes les musiques : musique classique, musique du monde, chanson, jazz, musiques actuelles, formes artistiques originales et insolites. La première journée de ces manifestations diverses vient de s’ouvrir à la jeune génération des musiciens en pleine ascension. Ce 11 juillet, cinq représentants doués de ce mouvement généreux réunissaient leurs talents pour exalter un programme consacré à l’image chaleureuse et tendre de Franz Schubert. Une manière de retrouver l’esprit des mythiques « schubertiades » qui réunissaient à Vienne les amis du compositeur.
Guillaume et Marie Chilemme, frère et sœur respectivement violoniste et altiste, ont déjà quelques années de pratique musicale intense. Ainsi, en 2011, ils étaient les solistes de la Symphonie Concertante de Mozart, aux côté de l’Orchestre Mozart Toulouse Midi-Pyrénées, nouvellement créé. A l’occasion de ce concert du premier jour de Toulouse d’Eté 2017, ils réunissent autour d’eux un petit cercle de musiciens dont l’appétit musical fait plaisir à voir et à entendre.

On retrouve tout d’abord l’un des jeunes pianistes les plus doués de sa génération, Nathanaël Gouin. C’est avec lui que Guillaume Chi lemme ouvre la soirée sur deux pièces en duo assez rares de l’auteur de La Truite. La Sonate en ré majeur pour violon et piano opus 137 n° 1 (D. 384) fait partie d’un ensemble de trois partitions composées en mars et avril 1816. Baptisées parfois « Sonatines », ces pièces n’ont été publiées qu’après la mort de Schubert.

Les membres du Quintette Chilemme lors de l’exécution du Quintette « La Truite », de Schubert – Photo Classictoulouse –

Dès l’Allegro molto initial, les deux partenaires manifestent une passion, un volontarisme impressionnant. L’Andante installe cette atmosphère rêveuse et un rien nostalgique qui semble ici héritée de Mozart. Une référence qui se prolonge dans le troisième mouvement, sur un rythme de danse, avec son charmant trio dans le style galant. Le final, d’abord fébrile, libère enfin une joie non dissimulée.

Le Rondo brillant, pour violon et piano en si mineur opus 70 (D. 895) date de l’automne 1826. Voici une partition qui porte bien son nom. Les deux interprètes s’emparent de cette démonstration virtuose avec une énergie sans limites. Néanmoins, le violoniste en particulier y témoigne d’une sensibilité touchante.

La seconde partie du concert est entièrement consacrée à l’une des œuvres de musique de chambre les plus populaires de Schubert, son Quintette pour piano et cordes en la majeur, qui doit sa célébrité à son titre « La Truite », hérité du fameux lied éponyme. Composée en 1819, cette partition fut l’objet d’une commande de Sylvester Baumgartner, violoncelliste amateur, chez qui elle fut vraisemblablement créée. Au piano est associé un quatuor à cordes non conventionnel, puisqu’aux côtés d’un seul violon, de l’alto et du violoncelle, le compositeur a associé une contrebasse, renforçant ainsi le registre grave de l’ensemble.

Les musiciens au salut. De gauche à droite : Guillaume Chilemme, violon,

Nathanaël Gouin, piano, Marie Chilemme, alto, Emilie Legrand, contrebasse,

Astrig Siranossian, violoncelle – Photo Classictoulouse –

Le Quintette Chilemme réunit ici, outre le violon et l’alto de Guillaume et de Marie Chi lemme, le violoncelle d’Astrid Siranossian, la contrebasse d’Emilie Legrand et bien sûr le piano de Nathanaël Gouin. L’impeccable cohésion de l’ensemble se manifeste dès les premières mesures de l’Allegro vivace. L’équilibre remarquable entre les cordes, et entre les cordes et le piano, s’avère idéal. Sans affectation aucune, un dialogue vif et animé s’établit entre tous les participants comme en une discussion amicale. L’Andante témoigne d’une tendresse touchante. Une certaine inquiétude se fait jour qui mène à un second thème admirablement chanté par le violoncelle. Il faut souligner ici la qualité du jeu, la finesse des phrasés, la beauté absolue de la sonorité « vocale » dont fait preuve Astrig Siranossian tout au long de l’œuvre. Une vraie révélation !

La fougue, l’énergie des interprètes illuminent le Scherzo pris dans un tempo vif qui se justifie pleinement. Aéré, plein d’esprit, ce mouvement constitue une étape importante dans la discussion entre le piano, particulièrement incisif, et les cordes sans concession. L’Andantino à variations constitue à l’évidence le pivot essentiel de l’œuvre, consacré qu’il est à l’épanouissement du fameux thème du lied « Die Forelle » (La Truite). La succession de ces variations permet aux musiciens de déployer une palette éblouissante de couleurs, de rythmes, de paysages divers. Le piano semble y défier les cordes en un miroitement en arc-en-ciel (du nom d’une célèbre espèce de poisson !). Et c’est enfin la gaieté, la jubilation même qui éclatent dans le final Allegro giusto. Les arabesques virtuoses du piano font miroiter cette musique du plaisir, sans ces arrière-pensées tragiques qui émaillent si souvent la musique de Schubert.

Très belle entrée en matière de la face classique de ce 14ème festival !

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