En ce 9 août 2025, la troupe Diva Opera réintègre, si l’on peut dire, sa très chère Grange du Château du Saillant après avoir investi, la veille, le Domaine de Sédières pour Les Noces de Figaro. Laissant Mozart et ses nobles à leurs turpitudes et triste sort dans l’Histoire, c’est avec une pointe de romantisme tout ce qu’il y a de plus latin, et pour tout dire transalpin, que cette Compagnie nous présente l’un des plus grands chefs-d’œuvre du bel canto, le Don Pasquale de Gaetano Donizetti. Et quand on pense au quatuor légendaire qui créa cet ouvrage en 1843 au Théâtre-Italien à Paris, il y a de quoi frémir : Grisi, Mario, Tambourini et Lablache. Le gotha, le nec plus ultra, la stratosphère des chanteurs de cette époque !

Mais nous le savons, la troupe Diva Opera ne recule devant rien. Forte de son travail de répétition et sûre de pouvoir compter sur son directeur musical et pianiste Bryan Evans, elle s’aventure dans cette partition iconique avec un aplomb incroyable. Dans une mise en scène millimétrée de Wayne Morris, nous retrouvons de nombreux interprètes de la veille dans le chef-d’œuvre mozartien. Abandonnant Bartolo à sa paternité retrouvée, Matthew Hargreaves s’empare de Don Pasquale avec une assurance sidérante. Comédien d’exception, il nous donne à voir un barbon libidineux intensément toxique, mettant à son service un baryton-basse d’une souplesse stupéfiante, notamment dans le chant syllabique. La soprano anglaise Elizabeth Karani va lui infliger la leçon de sa vie, lui assénant une gifle magistrale qui fait, un court instant, pencher cet opéra vers le drame. Mais un moment seulement car ce n’est pas le propos définitif du librettiste Giovanni Ruffini. D’autant qu’en matière d’énergie, de piquant et de rouerie, Norina est une sorte de parangon. La voix est homogène dans tous les registres et puissamment projetée jusque dans une tierce aigu redoutable d’aisance. Malatesta trouve en Philip Smith le baryton agile et stylé qui lui sied parfaitement. Dès son aria d’entée : Bella siccome un’angelo, le ton est donné, le phrasé long et dynamique est en parfaite osmose avec l’écriture donizettienne. Il rejoindra Matthew Hargreaves sur cet Himalaya du chant syllabique lors de leur fameux et redoutable duo du dernier acte.

Curzio la veille au Domaine de Sédières, voici Michael Bell dans un tout autre emploi d’une toute autre difficulté : Ernesto. Si le ténor affronte, avec succès, l’ambitus de sa partition, ne reculant devant aucun obstacle, délivrant même un très beau phrasé paré de mille nuances, force est de reconnaitre que son émission se tend parfois au détriment de la rondeur et d’un vibrato légitime. Mais, encore une fois, l’interprète nous convainc par sa présence. Nous retrouvons également notre Figaro révolutionnaire de la veille, Ambrose Connolly, cette fois dans les habits d’un Notaire un brin… déjanté.
Pas question ici de faire des prévisions historiques sur la suite des évènements, tout est bien qui finit bien, les amoureux s’en vont bras dessus bras dessous, une belle rente assurée en poche et Pasquale peut enfin souffler car la tempête Norina a bien failli avoir raison de sa tranquillité et de ses économies. Et c’est dans un rondo final endiablé que se termine ce trésor de l’opera buffa.
Robert Pénavayre
Photo : Olivier Soulié