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La sublime horlogerie de Rossini

En plein cœur de sa programmation, le Festival de la Vézère reçoit chaque année la troupe britannique Diva Opera pour un week-end bien sûr lyrique. Cette année, les festivités ont débuté avec le premier grand succès d’un jeune compositeur de 21 ans : Gioacchino Rossini. Nous sommes en 1813, année sacrée pour les mélomanes car elle va voir naître rien moins que deux géants de l’opéra : Richard Wagner et Giuseppe Verdi.
Pour l’heure le natif de Pesaro s’essaie à un format long dans le style bouffe. C’est une immense réussite dont le climax est certainement le final du 1er acte dans lequel Rossini transforme ses chanteurs en pantins réduits à ne s’exprimer que par onomatopées : bum-bum, crac-crac, din-din, tac-tac, lors d’une strette vertigineuse à mettre en place. Les moments de bonheur sont nombreux et parmi les arias les plus célèbres à juste titre citons celle de Lindoro : Languir per una bella ou encore celle d’Isabella : Cruda sorte. Un choix bien difficile devant cette avalanche de pages tout simplement géniales. Dans une mise en scène adaptée à la dimension familiale des lieux, la troupe Diva Opera se lance avec enthousiasme et une incroyable énergie dans une œuvre propre à saluer la féminité. Seul accompagnement musical, le piano de Bryan Evans fait encore une fois des merveilles. Et l’on reste stupéfait par la discipline musicale des chanteurs alors qu’ils ne sont pas dirigés par un chef d’orchestre, ce qui pour une œuvre complexe comme cette Italienne paraîtrait un minimum.

Ashley Cutling (Lindoro) et Catherine Backhouse (Isabella) – Crédit photo –

Sur scène nous retrouvons quelques pensionnaires de cette troupe, pensionnaires que nous avions déjà applaudis l’an passé, en particulier dans La Chauve-souris et L’Enlèvement au Sérail. Il en est ainsi de Timothy Nelson, Mustafa épouvantablement machiste mais dont la souplesse du baryton-basse fait merveille dans cette écriture virtuose. Martin Lamb nous avait fait mourir de rire dans le rôle de Frank l’an passé. Le voilà dans la peau de l’amoureux transi d’Isabella, Taddeo. L’artiste chevronné qu’il est ne fait qu’une bouchée de ce personnage pathétique. Louise Mott est quant à elle une touchante Zulma. Etonnante d’aplomb vocal dans le rôle infernal de Constance la saison passée, Gabriella Cassidy se glisse dans la partition d’Elvira sans le moindre souci. Il en est un peu différemment d’Ashley Catling, ce ténor que nous suivons au travers de ses venues à la Vézère et qui, déjà, l’an passé dans le rôle de Belmonte, avait montré des signes de fatigue vocale à la fin de l’ouvrage. Aujourd’hui l’aigu a dangereusement blanchi et le recours à la technique de haute-contre pour le registre supérieur semble trop un refuge devant des difficultés infranchissables pour ce chanteur. Tout cela pour dire que, malgré toute la musicalité dont il pare son Lindoro, tant en termes de phrasé que d’ornementation, le compte n’y est pas. Ce n’est pas le cas de Catherine Backhouse, une volcanique Isabella dont le mezzo lumineux et chaleureux ne va faire aucun quartier face à cette poignée d’hommes finalement bien peu malins. Saluons également Samuel Pantcheff (Haly) notamment pour son air trop souvent coupé. Il eut été dommage de ne pas profiter ainsi de cette belle voix puissante et magnifiquement timbrée.

Cette folie organisée recueille évidemment un juste triomphe.

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