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La loi des contrastes

Immense pianiste de notre temps, beethovénien incontournable, le Californien Stephen Kovacevich était l’invité de la 30ème édition de Piano aux Jacobins, le 25 septembre dernier dans un programme musical qui subit quelques changements de dernière minute. La sonate D. 959 de Schubert, qui devait occuper toute la première partie, fut remplacée par l’imposante Partita n° 4 de Johann Sebastian Bach et le cycle miniature de Schumann « Kinderszenen » (Scènes d’enfants). Les Variations Diabelli, de Beethoven, conservaient leur place en seconde partie de soirée.

Le grand pianiste américain Stephen Kovacevich (Crédit photo Julien Jourdes)

Publiée en 1729, la 4ème Partita pour clavier se réclame expressément de la musique française. C’est bien ainsi que Stephen Kovacevich l’aborde et la parcourt de son jeu profond, dense, coloré et contrasté. L’impressionnant portique de l’ouverture donne le ton solennel, mais sans lourdeur aucune, que le pianiste confère à cette partition. La danse est bien au cœur du débat. Danse élégante et bien rythmée qui gagne même la belle Sarabande. L’interprète délivre ici un Bach sans romantisme mais intensément expressif.

Avec les « Scènes d’enfants », le propos est tout autre. Prises dans des tempos plus que vifs, les courtes pièces qui se succèdent sont traitées avec une liberté de jeu déconcertante. Les rythmes très mouvants changent à chaque instant comme pour évoquer, peut-être, la vivacité de l’enfance, déstructurant quelque peu l’agogique de tout le cycle. La « Rêverie » et « Le poète parle » émergent de cette agitation fiévreuse comme autant de joyaux, havre de paix et de méditation.

Autre surprise, le mythique marathon des Variations Diabelli, prend des allures de lutte acharnée entre le pianiste et son instrument. Dès l’énoncé du thème initial, celui de la petite valse insignifiante qui fournit à Beethoven le ferment de toute une épopée, le poids sonore des basses envahit et, par instants, sature l’espace sonore. La succession des courtes variations fait la part belle aux fortissimos. Violence et passion se partagent le discours. Une violence qui va jusqu’aux limites de la brutalité. Alors quel heureux contraste lorsque le pianiste « chante » la troublante variation 14 « Grave et maestoso » ainsi que l’« Andante » de la variation 20. Etrange vision donc à laquelle Stephen Kovacevich, virtuose incontestable, ne nous avait pas habitués.

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