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Grand duo de pianistes

La 14ème édition du Festival Toulouse d’Eté conclut sa programmation classique avec un concert original réunissant deux grands noms du piano, deux représentants éminents de l’école française du clavier : Hervé Billaut et Guillaume Coppola. Deux pianistes sur une même scène peuvent se partager le même piano ou jouer chacun sur son instrument. Au cours de cette soirée du 21 juillet dernier, Hervé Billaut et Guillaume Coppola alternent les deux solutions afin de s’adapter aux œuvres présentées.
Deux talents complices, deux pianistes d’exception, amis de longue date s’associent pour le plus grand bonheur des mélomanes. Elève doué, Hervé Billaut a étudié auprès de Germaine Mounier et Jean Hubeau à Paris, obtenu à l’âge de seize ans les plus hautes récompenses du Conservatoire. Après avoir remporté en 1983 un Grand Prix au concours Marguerite Long, parmi de nombreuses distinctions dans d’importants concours internationaux (Viotti, 1981 ; Vercelli, 1982 ; Epinal, 1983 ; Pretoria, 1990 ; Tokyo, 1995) il fait le tour du monde, jouant dans les plus grandes métropoles au gré, notamment, des escales du porte-hélicoptères Jeanne d’Arc, sur lequel il effectue son service national. De ces voyages, il rapporte deux richesses essentielles : un vaste répertoire, de Bach à aujourd’hui, et une expérience de la scène acquise au contact des publics les plus divers.

Guillaume Coppola et Hervé Billaut dans la configuration “Piano à quatre mains”

– Photo Classictoulouse –

Guillaume Coppola, de son côté, a désormais « confirmé la belle place qu’il occupe au sein de la jeune génération » (Revue Diapason). Depuis ses Premiers Prix de piano et de musique de chambre au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (dans la classe de Bruno Rigutto), on a pu l’entendre dans une vingtaine de pays, dans les salles européennes les plus prestigieuses. Après quatre disques originaux et unanimement salués, son jeu témoigne d’un brio et d’une profondeur expressive qui suscitent l’engouement à chacune de ses prestations, son authenticité et sa simplicité en font aux yeux du public un musicien très attachant.

La rencontre artistique entre ces deux tempéraments proches mais originaux constitue une source de grands bonheurs musicaux. Les pièces qui constituent le programme de ce 21 juillet sont toutes des transcriptions effectuées par les compositeurs des partitions orchestrales originales.

Un seul piano occupe tout d’abord le plateau de l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines. Au cours de la première partie du concert les deux complices se partagent donc le même clavier, mêlant leurs vingt doigts dans des configurations parfois si proches que l’on croit observer un seul pianiste à quatre mains.

C’est exactement l’impression que donne leur interprétation de la magique suite de Maurice Ravel, Ma Mère l’Oye. Le jeu commun, le toucher délicat mais ferme des deux pianistes exaltent la poésie de ces cinq contes pour enfants. A la tendre évocation de la Pavane de la Belle au bois dormant et du Petit Poucet succède la fantaisie rythmée de Laideronnette, Impératrice des Pagodes. A la suite des Entretiens de la Belle et de la Bête, le lent crescendo du Jardin féerique aboutit à un miroitement lumineux irrésistible.

Guillaume Coppola et Hervé Billaut dans la configuration “Deux pianos”

– Photo Classictoulouse –

L’évocation de l’héritage tsigane investit ensuite les 3 Danses slaves d’Antonin Dvořák et les 4 Danses hongroises de Johannes Brahms. Alternant fougue, nostalgie et frénésie chorégraphique dans les pièces de Dvořák, les deux compères confèrent à la vision brahmsienne du patrimoine musical de cette Europe orientale une couleur orchestrale sans lourdeur qui charme par sa profondeur.

Pour la seconde partie du concert, les deux musiciens décident de rester « chacun chez soi », comme le commente avec humour Guillaume Coppola. Les deux pianos se font face et abordent un répertoire plus « symphonique ». Le célèbre (« filmiquement » parlant) Poco Allegretto de la Symphonie n° 3 de Brahms (également transcrit pour deux pianos par le compositeur lui-même) déploie son romantisme nostalgique dans une souplesse des phrasés subtilement dosée.

L’un des sommets de la soirée est atteint avec les 4 mouvements de la Rhapsodie espagnole de Ravel. La transparence, la finesse, la poésie, le choix des colorations, l’ombre et la lumière, tout évoque ici l’orchestre. Le bonheur coule comme une eau limpide, depuis les mystères, la magie du Prélude à la nuit jusqu’à l’explosion de la Feria finale.

Le célébrissime poème symphonique de Paul Dukas, L’Apprenti sorcier, inspiré par la ballade éponyme de Goethe, conclut provisoirement ce programme. Cette musique d’images et de couleurs ne pâtit en rien de son passage de l’orchestre aux deux pianos. Comme le remarque justement Hervé Billaut, ce que l’auditeur pourrait perdre de la couleur instrumentale, il le gagne dans la lisibilité de l’écriture. Et puis l’auditeur ne peut chasser de sa mémoire la silhouette de Mickey luttant contre les éléments involontairement déchaînés par son incompétence…

Légitimement acclamés les deux complices reviennent sur le plateau offrir un nouvel épisode cinématographique. Trois extraits de la musique composée par John Williams pour la saga Star Wars viennent conclure ce voyage musical de rêve, subtilement commenté par les acteurs eux-mêmes. Un grand merci à eux !

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