En collaboration avec la fondation Bru-Zane, Piano aux Jacobins accueillait, le 6 septembre dernier Geoffroy Couteau, jeune artiste révélé grâce à quelques récompenses internationales prestigieuses, dont un brillant 1er prix au Concours International Brahms, et un premier album CD consacré à ce même compositeur.
Le jeune pianiste français Geoffroy Couteau lors de son récital du 6 septembre 2010
de la 31ème édition de Piano aux
Jacobins (Photo Classictoulouse)
L’auditorium Saint-Pierre des Cuisines recevait ainsi ce musicien virtuose dans un programme original associant Charles-Valentin Alkan à Frédéric Chopin. Si ce dernier occupe une place de choix dans l’olympe des grands compositeurs, il n’en est pas de même du premier dont les œuvres n’encombrent pas les programmes de concert. La misanthropie d’Alkan n’est peut-être pas étrangère au relatif purgatoire dans lequel persiste son œuvre. Contemporain et ami de Chopin, il fut, comme le génie polonais, pianiste avant d’être compositeur. Sa mort accidentelle survenue à l’âge de 74 ans a beaucoup fait parler d’elle. Il aurait été écrasé par sa bibliothèque alors qu’il y saisissait le Talmud !
Le parallèle établi par Geoffroy Couteau entre les pièces des deux amis se révèle parlant et fructueux. La troisième suite op. 65 extraite des « Trente Chants » ouvre le programme sur une musique foisonnante pleine de contrastes. Exaltation et recueillement successifs ne sont pas loin d’évoquer le Schumann de Florestan et Eusebius. Quant aux deux pièces tirées des Douze études dans les tons mineurs et des Douze études dans les tons majeurs, le Scherzo diabolico et l’Allegro barbaro, elles donnent une idée des talents de virtuose qui devaient être ceux du compositeur auquel Geoffroy Couteau rend pleine justice. Ebouriffante démonstration de vélocité et de richesse colorée.
Le contraste avec la Première Ballade de Chopin qui suit n’est pas aussi accusé qu’on aurait pu le supposer. En effet, le jeu de Geoffroy Couteau se garde bien de tout sentimentalisme. « Son » Chopin sonne âpre, rude, heurté parfois, violent même, mettant ainsi à jour des blessures enfouies. La même vision parcourt les vingt-quatre Préludes de l’opus 28 qui occupent toute la seconde partie. Le jeune interprète se lance dans ce voyage au pays des tonalités avec détermination et enthousiasme. Loin de faire un sort à chacune de ces courtes pièces, il en organise le déroulement, les oppose, ménage les transitions avec conviction. Seul bémol, le recours un peu systématique, dans les accords plaqués, au décalage entre main droite et main gauche. La personnalité attachante de Geoffroy Couteau fait néanmoins de ce recueil un bouillonnement de violence et de passion.
Le bis réclamé par le public lui permet de retrouver son cher Brahms dans une vision apaisée et souveraine du premier des Intermezzi op. 117.