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Flash-Bach : le marathon des notes

La 11ème édition du festival Passe ton Bach d’abord ! vient de s’achever sur un triomphal succès à l’issue d’un concert de clôture associant les deux volets de cet hommage au père de la musique occidentale : les œuvres originales jouées dans leur extrême fidélité aux textes et leurs déclinaisons imaginatives par les acteurs de musique actuelle. L’édition 2018 vient de donc de célébrer cette année le 10ème anniversaire de la manifestation. Mais oui, réfléchissez bien comme le conseille son fondateur Michel Brun, les chiffres sont exacts ! Créé, au printemps 2008, ce long week-end annuel consacré à J. S. Bach rassemble les publics les plus divers autour de son œuvre et de ses nombreuses inspirations. Cette année encore, le succès fut au rendez-vous. Un succès toujours plus éclatant.
L’édition 2018, intitulée « Flash-Bach », s’est donné comme tâche de réinviter les artistes qui ont le plus marqué les dix premières manifestations, et a proposé bien sûr de nombreuses surprises et nouveautés ! Une centaine de mini- (ou parfois maxi-) événements ont animé la trentaine de lieux, des plus emblématiques aux plus iconoclastes du centre de la Ville rose prise par une effervescence tous azimuts. Ce long et riche week-end a commencé le soir du vendredi 1er juin à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines.

Les deux artistes du concert d’ouverture : la violoncelliste Ophélie Gaillard et le danseur hip-hop Ibrahim Sissoko – Photo Monique Boutolleau –

Une ouverture flamboyante

Cette manifestation liminaire donne au public, qui a envahi l’auditorium bourré comme jamais, l’occasion de retrouver Ophélie Gaillard, violoncelliste émérite, musicienne dans l’âme et pas seulement, en compagnie de son compère Ibrahim Sissoko dont l’imagination dans l’univers de la création chorégraphique et musicale façonne un univers esthétique original.

La première partie de cette soirée met en scène la musicienne profonde et authentique que l’on connaît dans un programme pour violoncelle seul qui associe Johann Sebastian Bach et le très contemporain Philippe Hersant. La pièce originale de ce dernier, intitulée Les ombres de Giverny, résonne comme un hommage à la musique baroque. Admirablement structurée, riche en événements élaborés elle s’insère parfaitement entre deux extraits des fameuses suites du génial cantor qui l’entourent, la soutiennent. Le Prélude de la Suite n° 2 BWV 1008 et l’intégrale de la Suite n° 3 BWV 1009 coulent comme un fleuve nourricier. La musicienne y manifeste une liberté expressive, un sens des nuances et une ferveur qui font chaud au cœur. L’imagination des phrasés, celle des ornementations originales, mais sans excès, construisent un chemin de lumière.

L’Ensemble et le Choeur Baroque de Toulouse, dirigés par Michel Brun, lors de la présentation du festival le 2 juin – Photo Classictoulouse –

La seconde partie de cette soirée fascine et subjugue. La musicienne, rejointe par Ibrahim Sissoko, ne se contente plus de jouer magnifiquement. Elle chante, danse et mêle son corps aux divagations incroyablement élaborées de son étonnant complice. Une chorégraphie à trois (l’instrument lui-même devient acteur !) se construit autour de la musique comme inventée, improvisée par Ophélie Gaillard. On reconnaît au passage, entre deux pièces issues des Suites pour violoncelle seul de Bach, l’émouvant Chant des oiseaux de Pablo Casals ou encore les accents chaleureux du Carmen de Bizet… La tendresse, l’humour, et par-dessus tout, l’imagination sont à l’œuvre. Un véritable triomphe à l’issue de la soirée !

L’Ensemble Baroque de Toulouse dirigé par les deux violonistes solistes Marie Rouquié et Gabriel Grosbard – Photo Classictoulouse –

L’Ensemble Baroque de Toulouse

Fondé en 1998 par Michel Brun, flûtiste, chef d’orchestre et pédagogue, l’Ensemble Baroque de Toulouse est le fruit d’une longue histoire faite de passion, de rencontres et d’amitié. Il est à l’évidence la cheville ouvrière du festival. Comme à l’accoutumée, le top départ est donné par Michel Brun et son ensemble. La cour de la cinémathèque accueille cette fois, le samedi à 14 h, cette mise en bouche et les conseils et avertissements avisés de Michel Brun.

Parmi les autres manifestations de l’EBT, saluons le beau programme de concertos qu’il défend au cours des deux journées. Le samedi, dans la chapelle de l’Hôtel Dieu, ses musiciens sont dirigés, non pas par Michel Brun, mais par les deux violonistes solistes des deux œuvres concertantes que sont le Concerto grosso en fa majeur de Locatelli et le Concerto pour deux violons et cordes de Bach : Gabriel Grosbard et Marie Rouquié. Leurs exécutions sonnent avec clarté et transparence. Cohésion, finesse, subtilité des nuances président à leur engagement musical.

L’ensemble La Fenice, fondé et dirigé par JeanTubéry – Photo Classictoulouse –

Parmi les invités

La liste des ensembles et personnalités invités s’avère, une fois encore, impressionnante. Soulignons l’importance de la venue de l’ensemble La Fenice, fondé par le cornettiste et flûtiste Jean Tubéry. Entouré de la violoniste Sue-Ying Koang, de la violoncelliste Keiko Gomi et du claveciniste Mathieu Valfré, Jean Tubéry joue alternativement de ses deux (voire trois !) instruments. Deux sonates du compositeur de la Renaissance, Johann Rosenmüller, encadrent trois pièces de J. S. Bach ou liées à sa famille. Parmi celles-ci figure une étonnante transposition autour des Variations Goldberg. La claveciniste joue d’abord la fameuse Aria que les cordes viennent ensuite varier.

Sandrine Tilly – Photo Classictoulouse –

La solitude n’effraie pas Sandrine Tilly, flûte solo de l’Orchestre national du Capitole. Le dimanche à 17 h, dans la belle cour de l’Ostal d’Occitania, elle présente ainsi un récital au cours duquel elle associe la sublime Partita BWV 1013 pour flûte seule, de Johann Sebastian Bach, et l’étonnante partition de Tōru Takemitsu intitulée Voice pour flûte seule et datant de 1971. Tout aussi à l’aise dans les deux pièces, la flûtiste donne une passionnante leçon de lecture de cette deuxième partition qui mêle toutes les possibilités de l’instrument à celles de la voix.

Fascinant concert de clôture

Le dimanche, en fin d’après-midi, la salle capitulaire du cloître des Jacobins a finalement accueilli la manifestation symbole de l’ensemble du festival. Si le chœur et les instrumentistes de l’Ensemble Baroque de Toulouse, sous la direction de Michel Brun, y ont offert leur vision chaleureuse de la touchante Messe brève en sol mineur de J. S. Bach, avec la participation soliste de Cristelle Gouffé, mezzo-soprano, Mattia Pelosi, ténor et Matthieu Toulouse, basse.

Les musiciens et le choeur de l’Ensemble Baroque de Toulouse, ainsi que

les membres
de Kachta Valda et Artichaut (à droite), lors du concert de clôture

– Photo Monique Boutolleau –

L’ouverture de la manifestation a été confiée aux joyeux compères de deux des groupes les plus imaginatifs qui soient de musique actuelle : Krachta Valda et son jazz manouche, l’Artichaut Trio artisan de musique Klezmer. Outre leur musique propre, chacun d’eux a su illustrer avec talent le fil rouge du festival. Krachta Valda a joliment brodé sur la fameuse Aria de la Suite en ré de Bach, et Camille Artichaut et Pierre-Emmanuel Roubet n’ont pas hésité à s’attaquer à l’air redoutable de son Magnificat, le Deposuit. Cette double performance d’une ferveur admirable a été complétée, en fin de concert, par la très symbolique union de tous ces styles de musique. Krachta Valda et Artichaut ont tout simplement, tout naturellement, mêlé leurs voix à celles de l’Ensemble Baroque dans une reprise enthousiasmante du Kyrie de la Messe brève.

Oui, la Messe est dite ! La prochain édition de Passe ton Bach d’abord !, la 12ème, est déjà annoncée. Elle sera consacrée au « Contrepoint »…

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