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Festival de la Vézère – Un Barbier d’une belle tenue vocale

Matthew Durkan (Figaro)

Fidèle de longue date à la merveilleuse troupe britannique Diva Opera, le Festival de la Vézère accueille ce jeudi 8 août 2024 ces artistes lyriques qui perpétuent la tradition des compagnies itinérantes, à l’image de celles qui illustrèrent si bien les débuts il y a plusieurs siècles des comédiens se produisant sur tréteaux dans des territoires improbables.  C’est l’auguste Grange du Château du Saillant qui héberge, comme toujours d’ailleurs, les représentations de Diva Opera, avec sa jauge côtoyant les 400 places et, surtout, cette scène lilliputienne d’une vingtaine de mètres carrés. Sans oublier ces entrées et sorties des chanteurs se faisant via… le public. Un public, autant le dire, ravi de cette proximité !  Ajoutez à cela un seul piano pour tout accompagnement musical de l’ouvrage et vous avez en fait la formule magique de ces représentations dont le charme subtil les tient à l’écart de toute critique acidulée.

Bryan Evans est toujours à la manœuvre, impérial devant son clavier, avec un imperturbable sourire so british et un talent incroyable transformant son piano en orchestre symphonique au travers de dynamiques euphorisantes. Le concept est parfaitement au point tant et si bien que l’on ne sait exactement si le pianiste suit les chanteurs ou s’il s’agit d’un rapport inversé. Dans tous les cas le résultat est stupéfiant de précision. Y compris dans les ensembles les plus périlleux !

Si la proposition scénique du premier acte de ce Barbier de Séville rossinien n’est pas des plus convaincantes, il en va tout autrement du second acte dans lequel les personnages interagissent avec plus de subtilité et d’assurance. Par exemple, l’idée de faire apparaître pendant le fameux orage l’ensemble des protagonistes dans ce qu’ils font dans le hors champ. C’est sacrément malin et cela nous rappelle combien cette troupe est pleine de ressources.

Au premier plan, de face, Tereza Gevorgyan (Rosina) et Timothy Dawkins (Basile)

Côté chanteurs, des nouveautés et, bien sûr, car il en va ainsi des troupes, de nombreuses et sympathiques retrouvailles. Il en va ainsi du baryton-basse Matthew Hargreaves, l’un des piliers de cette compagnie pour laquelle il fut, ici même, Le Commandeur, les Diaboliques des Contes d’Hoffmann, Dulcamara, Leporello, Alfonso, etc.  Aujourd’hui il nous revient dans le rôle bouffe de Bartolo. Même si le chant syllabique de son air du 1er acte le pousse dans ses retranchements, il faut surtout retenir l’incarnation globale de ce docteur un brin libidineux auquel il confie son beau timbre mordoré et une voix d’une parfaite homogénéité dans une composition irrésistible ! Le Figaro de Matthew Durkan, sans être une découverte, car il fut Don Giovanni sur cette scène en 2021, n’en est pas moins l’un des grands triomphateurs de la soirée grâce à son baryton généreux, parfaitement timbré sur toute la tessiture et un engagement scénique permanent. Elle fut, ici même, Norina et Adina, la voici en Rosina, c’est l’Arménienne Tereza Gevorgyan. Navigant entre deux versions vocales du rôle, celle de mezzo et celle de soprano, la cantatrice déploie un cantabile de très bonne facture. Stéphanie Windsor-Lewis, qui fut Maddalena en 2023 au Saillant, chante ce soir le rôle de Berta auquel Rossini a accordé un aria di sorbetto, l’un de ces airs « secondaires » dont il émaillait ses opéras et destinés à donner le temps au public de déguster un sorbet. Ce mezzo-soprano s’acquitte de cette tâche avec plus que du bonheur, nous faisant entendre, au travers d’un timbre charnu et velouté, la vraie tessiture de Rosina telle que l’a écrite le compositeur. Ultime retrouvaille, celle avec la basse Timothy Dawkins. Celui qui fut un Sparafucile tellurique en 2023, revient bien sûr en un Basile dont il fait tonner la Calomnie de sa voix puissante et sombrement timbrée. Au rang des découvertes, par ordre d’apparition, le baryton Ambrose Connolly. Ayant déjà à son répertoire des Onéguine et autres Germont, il ne fait bien sûr qu’une bouchée du rôle épisodique de Fiorello dont on a rarement entendu un pareil luxe d’interprétation, autant dans la projection que dans le timbre et le phrasé. Enfin le ténor irlandais Michael Bell, nouveau venu dans cette troupe, se présente dans le rôle d‘Almaviva. Certes il aurait été intéressant que la production lui laisse le loisir, pour notre plus grand plaisir, d’interpréter son air final « Cessa di piu resistere », à vrai dire trop souvent coupé. Ceci étant, l’artiste prend grand soin de sa ligne de chant et sait orner son phrasé de multiples nuances musicales.

Au total, un nouveau rendez-vous précieux entre tous dans la remarquable programmation de ce festival.

Robert Pénavayre

Photos : Olivier Soulié

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