L’intimité de l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines accueillait ce mercredi 27 juillet la claveciniste Céline Frisch pour un récital Rameau dans le cadre du festival Toulouse d’Eté. Une pause apaisée au milieu des déchaînements virtuoses du bicentenaire de Liszt. Virtuose, la musique du grand compositeur français du 18ème siècle ne l’est pas moins, mais son caractère obéit à de tout autres élans.
La jeune claveciniste marseillaise n’a plus à faire ses preuves. Elle est devenue rapidement l’une des plus authentiques interprètes du répertoire de clavier des 17ème et 18ème siècles. Ses prestations en concert aussi bien que discographiques atteignent des sommets de finesse et d’intelligence, que ce soit au service de Bach, de Rameau ou de d’Anglebert. Elle consacre la soirée du 27 juillet à celui que ses contemporains considéraient comme un savant de la chose musicale. Jean-Philippe Rameau, qui a vécu plus de quatre-vingts ans, semble avoir planifié sa carrière de créateur. Comme le rappelle judicieusement le grand musicologue Philippe Beaussant, ses premières compositions importantes s’adressent bien au clavier et il faut attendre ses cinquante ans pour qu’il aborde l’opéra, un domaine dans lequel il excellera jusqu’à sa mort.
Céline Frisch jouant Rameau sur le clavecin de Philippe Humeau
– Photo Classictoulouse –
Trois suites pour clavecin composent le concert de Céline Frisch. La Suite en la, extraite du Premier livre de 1706 et qui ouvre la soirée, est l’œuvre d’un jeune homme de vingt-trois ans. Pourtant, dès le Prélude, subtilité et raffinement frappent l’esprit. L’interprète confère aux silences étonnants qui le ponctuent le poids de profondes interrogations. L’étrange méditation de l’Allemande, le caractère affirmé de danse de la Gigue, la légèreté volubile de la Gavotte, Céline Frisch en souligne l’élégance et la poésie.
L’instrument qu’elle touche, une copie signée Philippe Humeau d’un clavecin français de la deuxième partie du 17ème siècle, constitue pour elle un compagnon de grande qualité. Sa limpidité, ses couleurs sont tout simplement celles des pièces interprétées. Avec la Suite en mi des Pièces pour clavecin de 1724-1731, un pas semble franchi vers une personnalisation plus affirmée du propos musical. Après le charmant babillage de la Courante, les Gigues en rondeau bruissent d’échos du thème qui évoque irrésistiblement le motif du Bon Roi Dagobert. Le fameux Rappel des oiseaux illumine de sa virtuosité le paysage évoqué. Après la tendre imitation pastorale de la Musette, résonne la pièce devenue la plus célèbre de son auteur, l’étincelant Tambourin dont Céline Frisch exalte la richesse rythmique.
Extraite des Nouvelles suites de pièces de clavecin, la Suite en sol concentre les évocations devenues de véritables « tubes » de la musique de clavecin. Les Tricotets ouvre la suite sur une discussion animée, alors que l’élégance des Menuets transcende le seul caractère de danse. Dans La Poule, l’interprète fait preuve d’une autorité qui dépasse de loin la simple imitation. L’obsession que traduit Les Sauvages conduit à l’admirable pièce intitulée L’Enharmonique, splendide préfiguration d’un air de déploration d’un opéra à venir. La suite et le concert s’achèvent sur la grâce légère de L’Egyptienne, encore une partition phare de l’un des compositeurs les plus inventifs de son temps.
Un prélude du grand d’Anglebert complète cette soirée Rameau fêtée comme il se doit par un public sous le charme. Céline Frisch sait mieux que quiconque associer rigueur et liberté, élégance et poésie.