Festivals

Baroque avec passion

La première édition d’un nouveau festival vient d’attirer à Montauban mélomanes curieux et gourmands de musique baroque. Le directeur artistique de l’Orchestre baroque de Montauban Les Passions, Jean-Marc Andrieu, a décidé d’organiser dans la ville d’Ingres un festival consacré aux musiques de cette riche période qui suit la Renaissance et précède le grand Classicisme. Pour ce baptême de 2011, le festival nommé « Passions Baroques à Montauban » occupe le week-end des 22 et 23 octobre prochain. Trois concerts sont proposés autour de différentes partitions des XVII° et XVIII° siècles, interprétées par l’orchestre Les Passions dirigé depuis la flûte à bec par Jean-Marc Andrieu et de grands artistes invités.
Les autorités de la cité, autour de Brigitte Barèges, maire de Montauban, ont apporté leur soutien à cette naissance. Jacques Toubon, ancien ministre de la culture et actuel président de la FEVIS (Fédération des Ensembles Vocaux et Instrumentaux Spécialisés), a accepté le parrainage de ce nouveau-né musical et assisté aux concerts d’inauguration.

Le claveciniste Benjamin Alard lors de son récital des Passions Baroques à Montauban

– Photo J-J Ader –

Confidences au clavecin
La première manifestation du festival convoquait, dans la chapelle du cloître des Carmes l’un des clavecinistes les plus doués de sa génération, Benjamin Alard, nommé aux Victoires de la Musique 2008 dans la catégorie « Révélations Instrumentales de l’année ». Le 22 octobre à 16 h, le jeune musicien (26 ans à peine) touchait un magnifique clavecin du facteur Philippe Humeau, un instrument aux couleurs profondes et riches, en harmonie avec ce répertoire français à la charnière des XVII° et XVIII° siècles. Débutant son récital sur les confidences méditatives de François Couperin, Benjamin Alard dévoile la délicatesse de son toucher, la liberté de son phrasé qui conduit ces Huit Préludes extraits de « L’Art de toucher le clavecin » à la manière d’une conversation improvisée. La « Première suite de pièces de viole mises en pièces de clavecin », d’Antoine Forqueray, évolue de l’autoritaire « Allemande La Laborde » vers la vivacité et l’humour de « La Couperin ». Après « Les Grâces », de Jacques Duphly, pièce lumineuse tout habitée de trilles légers comme des battements d’ailes d’oiseau, le claveciniste délivre sa transcription d’un choix d’épisodes du célèbre opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau, « Les Indes Galantes ». De l’impérieuse « Ouverture » à l’épisode célèbre entre tous « Les Sauvages », ce rêve d’exotisme révèle des possibilités inattendues de l’instrument ainsi touché. Benjamin Alard offre enfin au public qui réclame un bis une belle « Allemande », de Couperin, pleine de contrastes et de couleurs.

L’orchestre Les Passions, dirigé par Jean-Marc Andrieu avec, au premier rang

de gauche à droite : Vincent Lièvre-Picard, Howard Crook et Jean-Manuel Candenot

– Photo JJ Ader –

Beata est Maria
En fin de soirée, le temple des Carmes accueille l’Orchestre Les Passions, son directeur musical et flûtiste, Jean-Marc Andrieu, ainsi que trois grands chanteurs rompus au style baroque français, Vincent Lièvre-Picard, haute-contre, Howard Crook, taille (ou ténor dans la nomenclature moderne) et Jean-Manuel Candenot, basse-taille (ou basse tout simplement). Essentiellement consacré aux Motets à trois voix d’hommes du grand Marc Antoine Charpentier ce concert reprend avec panache le contenu du dernier album CD des Passions qui rassemble des pièces de la liturgie mariale. Deux poétiques intermèdes instrumentaux, « Ouverture pour l’église » et « Pour un reposoir », se mêlent aux motets chantés, à commencer par ces subtiles « Litanies de la Vierge » nourries de mélismes sensuels. La joie lumineuse qui éclaire le « Veni Creator », le dynamisme vivifiant du « Hodie Salus », avec ses stupéfiants hoquets, si proches de l’air grelotant de l’hiver de l’opéra « King Arthur » de Henry Purcell, confèrent une étonnante vivacité à cette littérature trop souvent considérée comme empesée. Deux moments exceptionnels ponctuent ce concert-découverte. Le « Magnificat », construit sur une basse obstinée qui se répète 89 fois, émerveille comme une danse hypnotique, comme une respiration apaisée que les solistes soutiennent de leurs voix subtilement mêlées. Enfin, et peut-être surtout, le « Salve Regina » atteint des sommets d’expressivité. La musique, ainsi jouée et chantée confère aux mots toute leur force et leur poésie. Les paroles sensibles, « O Dulcis Maria », qui concluent le motet, répétées ainsi en écho imperceptible, donnent le frisson. Un grand moment que l’on doit à chaque interprète, comme investi d’une mission, et au maître d’œuvre de cette entreprise parfaitement réussie, Jean-Marc Andrieu. Une mention spéciale doit être adressée à Vincent Lièvre-Picard, exceptionnel haute-contre « à la française » auquel on doit bien des émotions de la soirée.

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