Le 10 septembre, au lendemain du récital exceptionnel donné par le légendaire Menahem Pressler, le cloître des Jacobins accueillait pour la première fois le pianiste Amir Katz. D’abord formé en Israël, Amir Katz a poursuivi ses études auprès de grands maîtres tels qu’Elisso Virsaladze. Son répertoire est centré sur les musiques du XIXème siècle. En particulier, Schubert tient une place privilégiée dans son parcours. C’est au compositeur du Voyage d’hiver que devait être intégralement consacré son récital toulousain. Amir Katz a finalement choisi de l’ouvrir avec une œuvre de celui auquel se rattache l’essentiel de la musique occidentale, Johann Sebastian Bach.
La Suite anglaise n° 3 en sol mineur BWV 808 joue en quelque sorte le rôle d’introduction au monde de Schubert. Si la fluidité de son toucher représente un atout pour cette musique composée pour le clavecin, le pianiste aborde cette partition avec un détachement surprenant. Au-delà du Prélude un peu brouillon, les mouvements rapides défilent dans une sorte d’étonnante indifférence, peut-être pour éviter de « romantiser » le propos. En revanche les épisodes lents ou méditatifs retrouvent une profondeur louable. Après la démarche calme de l’Allemande, c’est essentiellement le cas de la belle Sarabande. Le pianiste la déroule comme improvisée, dans un rythme non mesuré de bon aloi. La fugue de la Gigue finale, clairement exposée, ne se départit pas d’une certaine indifférence.
Amir Katz lors de son premier récital au 36ème festival Piano aux Jacobins
– Photo Classictoulouse –
Le cœur du récital bat donc au rythme du tendre Schubert. La simplicité apparente de sa musique recouvre une insondable profondeur particulièrement difficile à appréhender. La série des quatre Impromptus D 935 complète ainsi la première partie du concert. Là aussi Amir Katz excelle dans les mouvements lents, alors que l’excitation des épisodes animés reste à la surface du propos. C’est le cas de sa lecture de l’Impromptu n° 1 en fa mineur, difficile à cerner, alors que les variations qui irriguent le troisième, en sol majeur, de cette série, évoquant « Rosamunde », se succèdent avec bonheur.
La seconde partie de la soirée s’ouvre sur l’autre recueil, numéroté D 899, de Quatre Impromptus. Plus impliqué semble-t-il, l’interprète ouvre la série sur la marche d’un ut mineur plein d’émotion. Il en souligne les accents tragiques et révoltés. La dentelle lumineuse du deuxième volet, en mi bémol majeur, coule comme une eau limpide ; doigté virtuose, détaché et solidement appuyé. Après les affects explicitement exposés de l’Andante, l’interprète revient à la fluidité liquide dans l’Allegretto final tout imprégné de poésie expressive.
C’est sur l’héroïque et virtuose Wanderer Fantaisie que s’achève ce programme. Considérée par Schubert lui-même comme sa pièce pianistique la plus exigeante techniquement, elle lui aurait inspiré cette remarque : « Das Zeug soll der Teufel spielen » (« C’est le diable qui devrait jouer ça »), évoquant ainsi sa propre incapacité à jouer correctement le final. Amyr Katz s’y investit totalement exposant avec force et conviction le premier thème issu du lied éponyme. L’interprète conçoit l’œuvre comme une fresque colorée qui illustre les sentiments les plus extrêmes. L’ardeur de son jeu lui permet d’en accuser fortement les contrastes que contient indéniablement la partition. La solidité de sa technique se trouve ici à la hauteur de la situation telle que Schubert l’évoque. Le final résonne avec une telle intensité qu’il arrache au public une grande ovation spontanée.
Avec générosité, le pianiste offre pas moins de trois bis de haute volée. Après la Grande Valse brillante op. 18, de Chopin, il brille de mille feux dans la fameuse Campanella de Paganini transcrite par Liszt. Il revient enfin vers Schubert comme pour un retour aux sources.