Festivals

Bach, l’invasion pacifique

La ville rose vient de vivre un nouveau week-end de folie. Les 12 et 13 juin, Johann Sebastian Bach, sa musique et ses dérivés, ont envahi pacifiquement les rues, les églises, les chapelles, les cours et les places. Michel Brun et son Ensemble Baroque de Toulouse, les concepteurs de ce festival « Passe ton Bach d’abord » ont centré la troisième édition autour des « Transcriptions et autres fantaisies ».

L’Ensemble Baroque de Toulouse dans la cour Henri IV pour l’ouverture du festival

“Passe ton Bach d’abord 2010” (Photo Classictoulouse)

Bach lui-même, sa musique authentique était certes au rendez-vous. Mais toutes les déclinaisons possibles de l’original n’ont pas manqué de se manifester. Les Toulousains ont ainsi pu découvrir un Bach flamenco, sous les doigts du guitariste Serge Lopez, un Bach révélé au piano à bretelles, grâce à l’Amestoy Accordéons Trio, un Bach klezmer, inventé par l’Artichaut Orkestra… Près d’une centaine de petits concerts d’une demi-heure ont ainsi poussé la population toulousaine à courir d’un lieu à l’autre, à la rencontre des surprises ménagées par une étonnante palette de musiciens professionnels et amateurs.

Plus que jamais le public a répondu avec enthousiasme à ces propositions aussi nombreuses que diverses, emplissant les lieux choisis d’une foule compacte, bigarrée et bon enfant. La jeune génération n’a d’ailleurs pas boudé ce festival qu’elle semble avoir adopté avec simplicité et naturel.

Une fois encore, l’ouverture de l’événement s’est déroulée dans la cour Henri IV du Capitole où, au milieu de l’effervescence parfois bruyante des mariages traditionnels en cet après-midi de samedi, quelques extraits de l’Oratorio de Pâques réunissant orchestre, chœur, trompettes et timbales se sont frayés un chemin vers les oreilles et le cœur des nombreux spectateurs avides de musique.

La session finale de “Passe ton Bach d’abord 2010”, en la cathédrale Saint-Etienne de

Toulouse avec l’Ensemble et le Choeur Baroque de Toulouse. Michel Brun dirige l’assistance pour
le choral final de la cantate BWV 29
(Photo Classictoulouse)

Parmi la multitude des concerts offerts, l’intégrale de cet oratorio a d’ailleurs été donnée deux fois par l’Orchestre et le Chœur Baroque de Toulouse, le samedi soir dans l’imposante basilique Saint-Sernin, le dimanche matin dans l’adorable chapelle de l’Hôtel Dieu, sous la direction énergique et passionnée de Michel Brun. Une vigueur fervente a ainsi animé cette partition solennelle tout imprégnée d’une spiritualité populaire.

A l’opposé, la prestation solitaire de l’excellent violoniste Julien Chauvin, en la belle église Saint-Pierre-des-Chartreux, a su créer une intimité musicale d’une généreuse beauté. La 3ème suite pour violoncelle de Bach, dans sa transcription pour violon, suivie de la sonate n° 2 d’Eugène Ysaÿe, véritable obsession de Bach et de la mort (partita et Dies Irae) ont brossé un paysage étonnant de profondeur.

Le public nombreux, assidu et passionné (Photo Classictoulouse)

Quelques grands moments de bonheur musical resteront dans les mémoires et les cœurs, comme ce double concerto qui réunissait le violon de Laurent Pellerin et le hautbois de Yann Miriel sous la direction de Michel Brun. C’est d’ailleurs encore à Laurent Pellerin que l’on doit probablement l’un des plus intenses moments d’émotion. En compagnie de Christophe Geiller il a joué (comme l’on chante pour soi-même) et dirigé un concerto pour deux violons de l’Estro Armonico de Vivaldi, d’un archet si sensible, si raffiné et élégant que les gorges se nouaient. La transcription, signée Bach, de ce même concerto, fournissait en outre à Willem Jansen l’occasion de briller au clavier du très bel orgue de Saint-Pierre-des-Chartreux.

La transhumance bienveillante de ce week-end musical s’achevait dimanche soir, en la cathédrale Saint-Etienne, après la traditionnelle et mensuelle « Cantate sans filet », répétée et exécutée devant une foule enthousiaste. Le choix de la cantate BWV 29, avec ses quatre solistes vocaux, ses timbales et ses trompettes, endossait le caractère solennel de cette éblouissante conclusion.

La plus douce et réconfortante des folies devrait revenir avec le printemps de l’année prochaine pour une quatrième édition de « Passe ton Bach d’abord ».

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