Entretiens | Opéra

« La formidable capacité d’adaptation du Capitole est l’une des clés essentielles de notre réussite »

Claire Roserot de Melin, Directrice générale de l'Etablissement public du Capitole

Si l’on veut vraiment comprendre comment fonctionne une maison d’opéra, il est impossible de faire l’impasse sur un volet devenu de nos jours, peut-être plus que par le passé, particulièrement sensible : son financement. Les théâtres lyriques français et étrangers connaissent depuis quelques années des moments difficiles, voire périlleux. Où il est parfois question de survie ! Rien de tout cela ne semble affecter l’institution lyrique toulousaine. Quelles sont donc les clés d’une telle force tranquille. Après avoir interrogé Christophe Ghristi, Directeur artistique du Capitole de Toulouse, le moment était venu donc de donner la parole à Claire Roserot de Melin, Directrice générale de l’Etablissement public du Capitole, en fait celle qui a en main les cordons de la bourse.

Rencontre

Classictoulouse : Pouvez-vous nous faire un point d’étape sur la fréquentation du Capitole à cette mi- saison, bien avancée, 24/25 ?

Claire Roserot de Melin : Depuis à présent trois saisons nous sommes sur un rythme de croisière qui dépasse globalement les 90% de fréquentation, cette saison ne fait pas exception. Et la saison 24/25n’est pas terminée, il y a encore de très belles choses à découvrir, je pense au Vaisseau fantôme et à Adrienne Lecouvreur.

Cette saison vous avez été amené à prolonger d’une date autant Nabucco que Norma. Est-ce que cela ne met pas en péril l’équilibre économique de ces productions ?

Pas du tout. Lorsque nous décidons de rajouter une date c’est d’abord parce que nous sommes sûrs de la jouer à guichet fermé. Ce qui veut dire que la vente des billets permet de couvrir le coût supplémentaire lié à cette représentation. Le planning ne permet pas toujours de faire cette extension de date, mais lorsque nous pouvons nous n’hésitons pas car c’est notre rôle de servir le public!

Vous venez d’annoncer une saison 25/26 prestigieuse avec 10 opéras dont 7 en version scénique. Où en êtes-vous des abonnements et des prélocations pour cette future saison ?

L’achat de places que ce soit par abonnement ou au spectacle démarre très fort. Par rapport aux deux dernières années, qui étaient déjà en très forte progression, nous sommes sur une augmentation de 37%. Nous nous acheminons vers un chiffre historique, dans tous les cas concernant les premières semaines de location.

Quels sont les spectacles les plus demandés ?

Côté Opéra, Don Giovanni et Otello sont les ouvrages qui affichent le plus haut taux de remplissage, avec plus de 45% à ce jour, mais La Passagère de Weinberg, par exemple, fonctionne très bien aussi, preuve que le public toulousain manifeste une grande confiance pour les choix de programmation de Christophe Ghristi. Côté ballet, ce sont Casse-Noisette et Un saut dans le bleu – création de Carolyn Carlson, qui sont en tête.

Avez-vous bougé la grille tarifaire des billets du Capitole ?

De manière marginale, oui. L’option a été de préserver les tarifs les plus bas de nos grilles, et d’indexer sur l’inflation seulement les places les plus chères, afin de garder une politique tarifaire ouverte à tous. Nous avons également « déclassé » certaines places dont la visibilité ne correspondait pas parfaitement à la tarification.

Le 22 novembre 2024, vous nous disiez que vous étiez dans le flou le plus complet concernant les répercussions de la dette de l’Etat sur les Collectivités Locales. Cinq mois après, où en êtes-vous ?

En fait nous avons très peu de certitudes sur le montant de notre subvention 2025. La participation de l’Etat serait a priori du même niveau qu’en 2024, mais le budget de la Culture vient encore de subir un coup de rabot ce week-end… donc les choses peuvent encore changer. Côté Métropole, nous savons qu’elle sera en baisse, sans certitude de montant à ce jour. Or elle représente 72% de nos ressources.

Lors de la conférence de presse annonçant la future saison du Capitole, Christophe Ghristi et vous-même avez souligné le pragmatisme des dépenses du Théâtre du Capitole depuis plusieurs années, une philosophie de gestion qui vous amène aujourd’hui à regarder l’avenir sereinement ?

Je suis quelqu’un de pragmatique et je partage cela avec Christophe Ghristi, ce qui veut dire simplement que nous faisons avec les moyens dont nous disposons.  De nature confiante et optimiste je dois dire tout de même que le challenge est pour le moins « sportif » car, vous le savez, nous programmons les saisons quatre à cinq ans à l’avance, et faire cet exercice dans un contexte de grande incertitude des ressources est un vrai défi. Ceci étant nous avons la chance d’avoir en réserves des productions magnifiques qui ont déjà fait la renommée de notre maison. Ensuite nous allons encore plus développer le système de partenariats qui se traduit chez nous par des coproductions avec d’autres opéras, français ou étrangers, car cela permet de partager les coûts pour tout le monde. Et il n’y a pas que la question des coûts, la dynamique des recettes est essentielle, et pas seulement celles provenant des subventions !

En permanence nous devons aussi penser au public, surtout ne pas l’éloigner de notre théâtre car sa venue en nombre dans notre maison légitime à ce jour notre activité et nos choix. De toute manière, quoi que l’on fasse, tout est mis en face de notre business model : avons-nous les moyens pour tel ou tel choix ? ou comment trouver les moyens pour porter ce choix ?

Il faut aussi faire confiance à la capacité d’adaptation d’une maison comme la nôtre. Elle l’a parfaitement démontrée lors de l’épisode Covid.

Claire Roserot de Melin – Photo: Pierre Beteille

Trois des spectacles de la saison à venir se font dans le cadre de reprises de productions « maison » : Carmen, Otello et Lucia di Lammermoor. Cette politique de reprises n’est-elle pas en fait l’une des clés de votre gestion ?

Nicolas Joel nous a laissé un grand nombre de productions mémorables. Lorsque Christophe Ghristi travaille sur ses saisons il a toujours en tête le côté patrimonial d’un spectacle produit par le Théâtre du Capitole, un théâtre qui s’inscrit dans un temps long. Les productions que nous créons ont pour vocation d’être reprises chez nous, chez les coproducteurs, également louées à d’autres théâtres. Il est en effet essentiel de continuer à créer, c’est notre mission. Clairement nous ne pouvons pas cacher que la situation est difficile, mais le savoir-faire et l’ingéniosité des quelque 400 personnes qui travaillent ici vont nous permettre de relever tous les défis et ceci, pardon de me répéter mais je tiens à le souligner, grâce à notre capacité d’adaptation.

Propos recueillis par Robert Pénavayre le 23 avril 2025

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