Si le bicentenaire de la naissance de Verdi ne devait être célébré que par ce récital, ce serait déjà merveilleux. Certes, il ne s’agit pas ici d’airs peu ou pas enregistrés, loin s’en faut, bien que la grande scène de Carlo au 3ème acte de I Masnadieri ne courre pas les récitals ! A vrai dire, tous les autres titres ont été gravés des milliers de fois, entre autres par des géants tels que Franco Corelli, Jon Vickers ou Carlo Bergonzi. C’est dire si l’inévitable confrontation est rude.
Il s’agit d’extraits de Rigoletto, Aïda, Un Ballo in maschera, Il trovatore, Luisa Miller, Simon Boccanegra, Don Carlo, La Forza del destino et Otello. Inutile d’entrer dans le détail de son interprétation tant l’immense talent de Jonas Kaufmann s’impose en se pliant à chacun de ces personnages. Sa fréquentation du répertoire wagnérien nous avait fait craindre un assombrissement définitif du timbre. Il n’en est rien. L’implacable technique de ce ténor décidément hors norme lui permet d’être crédible depuis La donna e mobile jusqu’à la mort d’Otello.
Et l’on ne sait quoi admirer le plus, d’un phrasé soutenu par un souffle stupéfiant de longueur, d’une musicalité sans équivalent au disque comme à la scène, d’une intelligence dramatique aussi aiguë que permanente, d’une stupéfiante science des couleurs, d’une dynamique alternant triple piano et fortissimo avec une aisance confondante. Mais au milieu de tout cela, il y a un diamant de la plus belle eau, la romance de Radamès au 1er acte d’Aïda. Là nous touchons au sublime, tant par le phrasé à la largeur infinie que par la musicalité et l’intensité dramatique qu’il insuffle à cet air trop souvent chanté de manière beaucoup trop héroïque. Le diminuendo sur le piano final est à tomber par terre ! Malgré un accompagnement (l’Orchestre de l’Opéra de Parme sous la direction de Pier Giorgio Morandi) passablement en-dessous de l’évènement, mais très sensible aux intentions du chanteur, ce disque est une priorité incontournable.