Un disque entièrement consacré à Giacomo Meyerbeer ! Impensable il y a quelques années et pourtant le voilà dans les bacs depuis quelques jours. Derrière ce pari, il y a la soprano allemande Diana Damrau qui rêvait depuis longtemps de redonner des lettres de noblesse à un compositeur oublié aujourd’hui de la programmation lyrique. Ou quasiment.
Oublié car occulté par l’omniprésence de tubes signés Mozart, Verdi, Rossini, etc. Oublié aussi car ses opéras réclament des chanteurs hors du commun, que ce soit Les Huguenots, L’Africaine, Robert le Diable ou bien encore Le Prophète, ce dernier ouvrage vient de faire malgré tout l’objet d’une nouvelle production au Capitole de Toulouse, après 60 ans d’absence du fronton toulousain. A la suite de ses premiers succès en terre italienne, le jeune Jakob Meyerbeer décide d’italianiser son prénom, désormais Giacomo.
Ses compositions, avant tout lyriques, flirtent talentueusement avec la technique musicale allemande, l’art du bel canto rossinien et l’exigence de la déclamation française. C’est certainement ce doux mélange ayant donné naissance au Grand Opéra français qui est encore reproché par beaucoup au compositeur. Et il est vrai que l’irruption d’une cabalette gracieusement enlevée dans le plus pur style bel cantiste en pleine scène éminemment dramatique jusque-là n’en finit pas de déconcerter le mélomane… Bref.
L’intérêt principal de cet enregistrement effectué en 2015 est certainement son programme car, si nous connaissons, à peu près, les grands airs du Prophète, de Robert le Diable, de L’Africaine, du Pardon de Ploërmel ou encore des Huguenots, bien peu de mélomanes peuvent fredonner Alimelek, Oder Die beiden Kalifen, que Meyerbeer compose à peine âgé de 22 ans. Il en est de même pour L’Etoile du Nord et son original allemand : Ein Feldlager in Schlesien, les deux ouvrages présents sur ce CD, tout comme Il Crociato en Egitto et Emma di Resburgo. Entre premières mondiales au disque, raretés et « ancien » répertoire, ce programme est donc particulièrement excitant en termes de (re)découvertes. Il faut bien parler de l’interprète. Avouons notre déconvenue. Certes, le soprano a abandonné depuis quelques années des rôles périlleux comme La Reine de la Nuit, Zerbinetta, Olympia, etc., et il y a des raisons dont la première doit être la perte du suraigu et de la souplesse dans l’aigu tout court. Or, les héroïnes ici incarnées réclament parfois des prouesses vocales amenant Diana Damrau au-delà de ses capacités. Et cela s’entend malheureusement. Bien sûr il y a toujours ce timbre cristallin et cette musicalité, parfois un rien froide, qui en font l’une des grandes artistes de notre temps, mais les ouvrages ici sélectionnés réclament un autre organe, plus charnu, mieux projeté dans le médium et le grave. Saluons tout de même comme il convient la très belle participation de l’Orchestre de l’Opéra national de Lyon sous la direction précise et bienvenue dans ce répertoire d’Emmanuel Villaume.
Mais pour le programme, ce disque est particulièrement précieux.