Robert Schumann, compositeur de l’imagination, excelle dans la petite forme. Son génie ne s’exprime jamais mieux que dans les structures pianistiques qu’il s’invente au fur et à mesure de son inspiration. Dès son opus 1, il est en possession de toute sa maturité. Son amour pour Clara, celle qui devint enfin sa femme après une longue lutte, restera toute sa vie le sujet essentiel de sa musique.
Le jeune pianiste américain Jonathan Biss s’attaque avec intelligence et sensibilité à l’impressionnant corpus de ces pièces composées tout au long de la vie de Schumann. Autour du monument que représente Kreisleriana op.16, la Fantaisie en do op. 17 et Arabeske en do op.18 brossent un portrait significatif du poète musicien. Jonathan Biss, âgé d’à peine 27 ans, est déjà bien connu du public toulousain devant lequel il a joué à plusieurs reprises. Il se distingue de la plupart des autres pianistes de sa génération par un sens profond de l’intimité musicale qui imprègne ses interprétations. Son jeu, très intériorisé et construit, bénéficie d’une sonorité de velours qui n’atténue rien des révoltes ni du désespoir qui affleurent souvent chez Schumann. La Fantaisie n’explose pas dès l’ouverture, Kreisleriana résonne comme une vaste méditation sur la mort, ponctuée de digressions contrastées, alors que l’Arabeske vibre d’une fièvre contenue. Jonathan Biss hérite d’un style plus proche de la poésie d’un Wilhelm Kempf que de la fougue d’une Martha Argerich.