C’est un concept malin et qui pourrait fonctionner pratiquement à foison. Prenez un personnage, célèbre, ici rien moins que Christophe Colomb, et composez sa play-list imaginaire. Pour ce faire il faut identifier les œuvres qu’il aurait pu entendre.
Né à Gênes en 1451 et mort à Valladolid en 1506, ce grand voyageur et découvreur a finalement passé la plus grande partie de sa vie sur la terre ferme. Il devint un intime d’Isabelle et Ferdinand d’Aragon, les fameux Rois catholiques. Ces derniers recevaient des visites et, en ce début de 16ème siècle, c’est le cas de Philippe le Bel qui les rencontre accompagné d’artistes de sa cour et plus particulièrement le compositeur franco-flamand Mabrianus de Orto (1460-1529) et son compatriote Alexander Agricola (1445-1506).
Le présent enregistrement a retenu le Sanctus et l’Agnus Dei de la Missa « J’ay pris amours » du premier cité et l’Agnus Dei de la MIssa « Malheur me bat » du second. Ces pièces à 4 voix sont parfaitement évocatrices de cette école franco-flamande qui se distingue par son invention rythmique et une écriture vocale virtuose. Cet enregistrement convoque également des anonymes italiens et espagnols, faisant ainsi référence aux séjours du célèbre navigateur tant à Gènes qu’à Venise, Madrid, Séville, Cordoue et Valladolid.
Il réunit aussi des noms entrés dans l’Histoire de la musique, tel l’Italien Bartolomeo Tromboncino (1465- 1535), dont nous entendons le troublant Se ben or non scopri, une courte pièce à 4 voix dont le final interroge par sa modernité quasi romantique. Mais ce voyage musical ne pouvait se faire sans laisser une place d’honneur aux compositeurs espagnols de la Renaissance. Se succèdent donc Juan de Triana, Juan Ponce, Francisco Millàn, Alonso, Juan del Encina et Francisco de la Torre. Ce vaste panorama met en évidence les différences fondamentales entre les écoles. D’un côté la riche polyphonie de la cour bourguignonne de Philippe le Bel et plus tard de Charles V, de l’autre la musique en quelque sorte laïque chantée sur des thèmes souvent mélancoliques dans la langue populaire de la cour espagnole. Par opposition, les partitions italiennes font preuves d’une complexité extrême surtout du point de vue vocal.
Enregistrées en 2016, ces pièces à 2, 3 ou 4 voix sont ici superbement chantées par le Huelgas Ensemble sous la direction de son maître fondateur : Paul Van Nevel. Une référence absolue en matière d’interprétation d’œuvres du Moyen Âge et de la Renaissance.
Une play-list de luxe !
Robert
Article mis en ligne le 9 août 2019